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Jean Ferrat (Epilogue Aragon )
Ajoutée le 23 mars 2016
Louis Aragon – Les poètes – 1960
La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on n'en peut plus baisser la herse
Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qu'il en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous n'aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le pli des habitudes
Bien sûr bien sûr vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est - ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre.
La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on n'en peut plus baisser la herse
Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qu'il en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous n'aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le pli des habitudes
Bien sûr bien sûr vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est - ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre.
Épilogue
poème d’Aragon
Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort les yeux baissés les mains vides
Et la mer dont j'entends le bruit est une mer qui ne rend jamais ses noyés
Et l'on va disperser mon âme après moi vendre à l'encan mes rêves broyés
Voilà déjà que mes paroles sèchent comme une feuille à ma lèvre humide
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en en mourir je dépasserai ma gorges et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
J'ai choisi de donner à mes vers cette envergure de crucifixion
Et qu'en tombe au hasard la chance n'importe où sur moi le couteau des césures
Il me faut bien à la fin des fins atteindre une mesure à ma démesure
Pour à la taille de la réalité faire un manteau de mes fictions
Cette vie aura passée comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on ne peut plus baisser la herse
Dans cette demeure en tout cas anciens ou nouveaux nous ne sommes pas chez nous
Personne à coup sur ne sait ce qui le mène ici tout peut-être n'est qu'un songe
Certains ont froid d'autres ont faim la plupart des gens ont un secret qui les ronge
De temps en temps passent des rois sans visage On se met devant eux à genoux
Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qui l'en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change
Ils s'interrogent sur l'essentiel sur ce qui vaut encore qu'on s'y voue
Ils voient le peu qu'ils ont fait parcourant ce chantier monstrueux qu'ils abandonnent
L'ombre préférée à la proie ô pauvre gens l'avenir qui n'est à personne
Petits qui jouez dans la rue enfants quelle pitié sans borne j'ai de vous
Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le plis des habitudes
Bien sur vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment
Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire
Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sont montés
Arracher le drapeau de servitude à l'Acropole et qu'on les a jetés
Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l'histoire
Songez qu'on arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincu n'est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'homme est comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d'épouvantables
Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien
Vous passerez par où nous passâmes naguère en vous je lis à livre ouvert
J'entends ce cœur qui bat en vous comme un cœur me semble-t-il en moi battait
Vous l'userez je sais comment et comment cette chose en vous s'éteint se tait
Comment l'automne se défarde et le silence autour d'une rose d'hiver
Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant
En face pour savoir triompher Le chant n'est pas moins beau quand il décline
Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'écho dans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l'ensemble des chants
Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'une voix se taise
Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue
Du moment que jusqu'au bout de lui-même le chanteur a fait ce qu'il a pu
Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une hypothèse
Je vous laisse à mon tour comme le danseur qui se lève une dernière fois
Ne lui reprochez pas dans ses yeux s'il trahit déjà ce qu'il porte en lui d'ombre
Je ne peux plus vous faire d'autres cadeaux que ceux de cette lumière sombre
Hommes de demains soufflez sur les charbons
A vous dire ce que je vois
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