J'ai du savon qui lave
Les péchés capitaux
Un stylo-bille qui grave
Le goût d'un apéro
Un soutien-gorge à piles
Qui n's'allum' qu'aux beaux yeux
Un dentifrice habile
A blanchir les aveux
Un buvard facétieux
Qui sèche les chagrins
Un oeil pour lire à deux
Quand le jour s'est éteint
Un violon capital
Voilé de Chambertin
A fair'sonner le mal
Plus fort que le tocsin
Si ça n'va pas
Tu peux toujours aller la voir
Tu demand'ras
La Poésie
On t'ouvrira
Mêm' si ell' n'est pas là
D'ailleurs ell' n'est pas là
Mais dans la têt' d'un fou
Ou bien chez des voyous
Habillés de chagrin
Qui vont par les chemins
Chercher leur bonne amie
La Poésie
J'ai des bas pour boiteuse
A fair'boiter l'ennui
Et des parfums de gueuse
A remplir tout Paris
Des pendul's à marquer
Le temps d'un beau silence
Des lassos à lacer
Les garces de la chance
Des machin's à souffler
Le vert de l'espérance
Et des vign's à chanter
Les mess's de la démence
Des oiseaux-transistors
Qui chantent sur la neige
Garantis plaqués-or
Plaqués par le solfège
Si ça n'va pas
Tu peux toujours aller la voir
Tu demand'ras
La Poésie
On t'ouvrira
Même si ell' n'est pas là
D'ailleurs ell' n'est pas là
Mais dans la têt' d'un fou
Qui s'prend pour un hibou
A regarder la nuit
Habillée de souris
Comme sa bonne amie
La Poésie
J'ai du cirage blond
Quand les blés vont blêmir
De la glace à façon
Pour glacer les soupirs
Des lèvres pour baiser
Les aubes dévêtues
Quand le givre est passé
Avec ses doigts pointus
J'ai tant d'azur dans l'âme
Qu'on n'y voit que du bleu
Quand le rouge m'enflamme
C'est moi qui suis le feu
J'ai la blancheur du cygne
A blanchir tout Saint-Cyr
Et sur un de mes signes
On meurt pour le plaisir
Si ça n'va pas
Tu peux toujours aller la voir
Tu demand'ras
La Poésie
On t'ouvrira
Des fois qu'ell' serait là
Ell' te r'cevrait mêm' pas
Ell' n'est là pour personne
Ell' n'aim'pas qu'on la sonne
C'est pas une domestique
Ell' sait bouffer des briques
Mais quand ell' veut, Ell' crie
LA POÉSIE !
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