dimanche 5 novembre 2023

Jacques Brel - Ces gens-là (1966)

 

                      

Ces gens-là

D'abord...D'abord, y'a l'aînéLui qu'est comme un melonLui qui a un gros nezLui qui sait plus son nom, Monsieur, tellement qu'il boitOu tellement qu'il a buQui fait rien d'ses dix doigtsMais lui qui n'en peut plusLui qui est complètement cuitEt qui s'prend pour le roi
Qui se soule toutes les nuitsAvec du mauvais vinMais qu'on retrouve au matinDans l'église, qui roupilleRaide comme une saillieBlanc comme un cierge de PâquesEt puis qui bal-bu-tieEt qui a l'œil qui divague...
Faut vous dire, MonsieurQue chez ces gens-làOn n'pense pas, MonsieurOn n'pense pasOn prie
Et puis, y'a l'autreDes carottes dans les cheveuxQu'a jamais vu un peigneQu'est méchant comme une teigneMême qu'il donnerait sa chemiseÀ des pauvres gens heureuxQui a marié la DeniseUne fille de la ville, enfin, d'une autre villeEt que c'est pas finiQui fait ses p'tites affairesAvec son p'tit chapeauAvec son p'tit manteauAvec sa p'tite autoQu'aimerait bien avoir l'airMais qu'a pas l'air du toutFaut pas jouer les richesQuand on n'a pas le sou
Faut vous dire, MonsieurQue chez ces gens-làOn n'vit pas, MonsieurOn n'vit pasOn triche
Et puis, y'a les autresLa mère qui n'dit rienOu bien n'importe quoiEt du soir au matinSous sa belle gueule d'apôtreEt dans son cadre en boisY'a la moustache du pèreQui est mort d'une glissadeEt qui regarde son troupeauBouffer la soupe froideEt ça fait des grands flchssEt ça fait des grands flchss
Et puis y'a la toute vieilleQu'en finit pas de vibrerEt qu'on attend qu'elle crèveVu que c'est elle qui a l'oseilleEt qu'on écoute même pasC'que ses pauv' mains racontent
Faut vous dire, MonsieurQue chez ces gens-làOn n'cause pas, MonsieurOn n'cause pasOn compte
Et puisEt puisEt puis y'a Frida!Qu'est belle comme un soleil!Et qui m'aime pareilQue moi j'aime Frida!
Même qu'on se dit souventQu'on aura une maisonAvec des tas d'fenêtresAvec presque pas d'mursEt qu'on vivra dedansEt qu'il f'ra bon y êtreEt que si c'est pas sûrC'est quand même peut-êtreParce que les autres veulent pasParce que les autres veulent pas
Les autres ils disent comme çaQu'elle est trop belle pour moiQue je suis tout juste bonÀ égorger les chatsJ'ai jamais tué d'chatsOu alors y'a longtempsOu bien j'ai oubliéOu ils sentaient pas bonEnfin ils veulent pasEnfin ils veulent pas
Parfois, quand on se voitSemblant qu'c'est pas exprèsAvec ses yeux mouillantsElle dit qu'elle partiraElle dit qu'elle me suivraAlors pour un instantPour un instant seulementAlors moi je la crois, MonsieurPour un instantPour un instant seulementParce que chez ces gens-là, MonsieurOn n's'en va pasOn s'en va pas, MonsieurOn s'en va pas
Mais il est tard, MonsieurIl faut que je rentreChez moi

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