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Mouloudji - un jour tu verras
Mouloudji chante "Un jour tu verras" par Racobel
Marcel Mouloudji " Un jour tu verras "
Un jour tu verras, on se rencontrera
Quelque part n'importe où, guidés par le hasard
Quelque part n'importe où, guidés par le hasard
Nous nous regarderons, et nous nous sourirons
Et la main dans la main, par les rues nous irons
Et la main dans la main, par les rues nous irons
Le temps passe si vite, le soir cachera bien
Nos cœurs ces deux voleurs qui cachent leur bonheur
Nos cœurs ces deux voleurs qui cachent leur bonheur
Puis nous arriverons sur une place grise
Où les pavés seront doux a nos âmes grises
Où les pavés seront doux a nos âmes grises
Il y aura un bal très pauvre et très banal
Sous un ciel plein de brume et de mélancolie
Un aveugle jouera dorgue de Barbarie
Cet air pour nous sera, le plus beau le plus joli
Sous un ciel plein de brume et de mélancolie
Un aveugle jouera dorgue de Barbarie
Cet air pour nous sera, le plus beau le plus joli
Puis je t'inviterai, ta taille je prendrai
Nous danserons tranquilles
Loin des gens de la ville
Nous danserons tranquilles
Loin des gens de la ville
Nous danserons l'amour, les yeux au fond des yeux
Vers une fin du monde...
Vers une nuit profonde...
Vers une fin du monde...
Vers une nuit profonde...
Un jour tu verras, on se rencontrera
Quelque part; n'importe où guidés par le hasard
Nous nous regarderons et nous nous sourirons
Et la main dans la main par les rues nous irons.
Quelque part; n'importe où guidés par le hasard
Nous nous regarderons et nous nous sourirons
Et la main dans la main par les rues nous irons.
CD 1
1) Un jour tu verras
Alors que paraît son premier 25 cm préfacé par Raymond Asso, c'est encore par le cinéma que le nom de Mouloudji va grandir. Dans un film aujourd'hui oublié, Secrets d’alcôve, il popularise une des plus grandes chansons de la décennie. Dans le sketche Riviera Express, réalisé par Ralph Habib, Mouloudji, au volant de son camion chante : « Un jour, tu verras / On se rencontrera / Quelque part, n'importe où / Guidés par le hasard... » Comme Les feuilles mortes, quelques années plus tôt, cette valse lente, enregistrée le 26 novembre 1953 avec Michel Legrand et son orchestre, ne connaîtra pas tout de suite le succès…
Si, par sa construction même, Les Feuilles mortes est tournée vers le passé (« Oh, je voudrais tant que tu te souviennes… »), Un jour tu verras table délibérement sur l’avenir et la mélodie pleine d’espoir de Georges Van Parys ainsi que les arrangements de Michel Legrand traduisent à merveille l’euphorie de l’après-guerre… Aux yeux de Jean-Claude Klein, « malgré la pauvreté des rimes, les “on“, les élisions (et sans doute aussi à cause de tout cela), c’est une des plus belles romance du répertoire d’après-guerre. » Une chanson que Mouloudji ne voulait pas chanter, au départ, et qu'il avoue avoir écrite en deux minutes... Tout récemment, Jacques Dutronc en a enregistré une version très convaincante.
2) Si tu t’imagines
Elle colle à la peau de Juliette Gréco, cette chanson « existentialiste » de Raymond Queneau et Joseph Kosma, qu’elle enregistre une première fois en 1950, en même temps que les Frères Jacques. Poème « vachard » où l’auteur prend plaisir à enlever toutes ses illusions à la jeunesse : « Si tu t’imagines / fillette fillette / Xa va xa va xa / Va durer toujours / La saison des za / Saison des amours / Ce que tu te gourres… ». Grinçant, Queneau appuie là où ça fait mal : « Très sournois s’approchent / La ride véloce / La pesante graisse / Le menton triplé / Le muscle avachi… » Mais la chute, qui lorgne du côté de Ronsard, incite à cueillir les roses de la vie… Moins « pète-sec » que la version de Gréco, celle de Mouloudji a été enregistrée le 19 mai 1952 avec André Grassi et son orchestre.
3) Comme un petit coquelicot
Au cours de l’été 1951, Raymond Asso écrit Comme un p’tit coquelicot que son épouse, Claude Valéry, va mettre en musique. La chanson est créée par Mouloudji en décembre de la même année aux Trois-Baudets. « Au départ, raconte Claude Valéry, nous voulions la donner à Montand. Maurice Chevalier, lorsqu’il l’entendit, en tomba amoureux. Mais, un jour que nous étions tous chez Jacques Canetti, Patachou nous dit : "C’est pour Mouloudji". Nous avons donc rencontré Moulou. Il avait 29 ans, un sourire d’enfant, et tout de suite, on a su que c’était pour lui. » Ce dernier confirmera : « On sait immédiatement quand une chanson est bonne. Celle-là était ravissante, réussie, émotionnelle, feutrée, touchante » Et il l’enregistre le 8 février 1952 accompagné par André Grassi et son orchestre.
Dans Le coquelicot, troisième et dernier volet de ses Mémoires, Mouloudji rappelle quelle fut sa réaction quand Raymond Asso lui présenta Comme un p'tit coquelicot…. « Au fur et à mesure qu'il interprétait sa chanson, je sentais que le rideau rouge de la chance s'ouvrait. Idées et images s'éveillaient en moi. La tournure des mots empruntées aux chansons du folklore français rappelait"Gentil coquelicot mesdames, gentil coquelicot nouveau" que je ne connaissais pas d'ailleurs entièrement mais dont le leitmotiv papillonnait dans ma mémoire. Un son, une couleur se dégageaient de ces quelques vers, à la semblance de ceux du "Dormeur du Val", même si l'écriture d'un style populiste n'avait aucun rapport avec celle de Rimbaud. Avant qu'il l'eût achevée, j'eus la certitude que cette chanson toucherait les foules comme elle m'avait touché et que celui qui la chanterait le premier aurait bien de la chance, surtout s'il s'agissait d'un débutant. »
Régulièrement reprise, Comme un p’tit coquelicot vient d’être enregistrée par Karim Kacel.
4) Qu’est ce que tu crois ?
Plus connu par son refrain (« Tu n’es qu’un maillon de la chaîne / Tu n’es qu’un moment de la vie / Un moment de joie, de misère / Et puis on t’enterre et puis c’est fini… »), Qu’est-ce que tu crois ? est un texte de Robert Lamoureux (eh oui !) mis en musique par Henri Bourtayre. Bien que chantée sur un rythme guilleret, cette courte chanson est assez typique de l’état d’esprit de la chanson « à texte » de l’après-guerre, marquée par un certain pessimisme « existentialiste » (voir Si tu t’imagines, par exemple)… Accompagné par Michel Legrand et son orchestre, Mouloudji enregistre sa version le 23 décembre 1953.
5) Cinématographe
Sur un rythme de charleston ralenti, Boris Vian se souvient avec nostalgie du cinoche de sa jeunesse. Si les temps ont changé, la magie demeure car « même si c’est dev’nu l’cinémascope », « ça r’mue toujours et ça galope… » Au refrain, le rythme s’accélère, le public s’enthousiasme :« Gare, gare, gare, Gary Cooper / S’approche du ravin d’enfer / Fais attention pauvre crétin / Car Alan Ladd n’est pas bien loin… » Orchestrée par Jimmy Walter, qui en a composé la musique, la version de Mouloudji est enregistrée le 1er février 1955, après celle de Boris Vian. Dans les années 60, Cinématographe sera repris par Béatrice Moulin et les Charlots.
6) J’suis snob
« J’suis snob / J’suis snob / C’est vraiment le seul défaut que j’gobe… » Enregistrée le 23 novembre 1954 avec Jimmy Walter et son orchestre, la version de Mouloudji joue un peu la distanciation par rapport à celle de Boris, il semble moins y croire… Peut-être n’est-il pas très à l’aise dans ces cocktails peuplés de Bob et de Hildegarde et fréquentés par des « baronnes au nom comme des trombones » ! Dans les années 60, J’suis snob sera repris par Monique Tarbès, Béatrice Moulin, les Charlots et, plus tard, par Lambert Wilson.
7) Valse jaune
Cette valse mélancolique (musique de Marguerite Monnot), enregistrée le 23 novembre 1954 avec Jimmy Walter et son orchestre, met en scène un noctambule oiseau de nuit : « Moi j’aime bien la rue mais quand elle s’endort / Et j’attends que le jour soit mort / Et je vais rêver sur les trottoirs… » Et c’est au matin, lorsque « la rue se remplit de travail et de bruit », que notre héros se met au lit, un peu comme le Dutronc de Paris s’éveille… Également enregistrée par Béatrice Moulin, Philippe Clay, Magali Noël, cette Valse jaune est régulièrement reprise.
8) Le déserteur
Le 15 février 1954, Boris Vian écrit Le déserteur et propose la chanson à de nombreux artistes. De tous ceux approchés, seul Mouloudji acceptera de l’interpréter et il l’enregistrera le 14 mai 1954, « avec accompagnement d’orchestre » (le chef d’orchestre ne souhaite peut-être pas « se mouiller » ou est en contrat avec une autre maison de disques…). Sa version, pourtant « adoucie » de la chanson « violemment pro-civile » de Boris Vian est immédiatement censurée sur les ondes (« Radiodiffusion interdite par le Comité d’Ecoute du 15 juillet 1954 ») et le disque, un super 45 tours publié en avril 1955, en pleine guerre d’Algérie, sera, quelque temps plus tard, retiré du commerce pour de longues années...
« Je n’ai eu connaissance de la chute de Dien Bien Phu que le lendemain, par les journaux, comme tous les Français. Et si je n’avais pas chanté la chanson de Vian, qu’est-ce que cela aurait pu changer ? Supprimer Le déserteur n’aurait pas assuré la reprise de la cuvette... », confiera-t-il une quinzaine d’années plus tard. En 1993, un an avant sa disparition, il revenait sur cette « affaire » : « En 1954, beaucoup de journalistes m’ont reproché d’avoir édulcoré Le déserteur. Mais ils n’avaient qu’à venir au moment où je l’ai créée : ils auraient vu que je m’appelais Mouloudji, que j’avais un nom arabe et que j’ai créé cette chanson le jour de la prise de Dien Bien Phu ! »
9) On m’a dit
Fortement critiqué pour avoir enregistré Le déserteur de Boris Vian, Mouloudji réplique ironiquement avec cette chanson qui paraît en 1957. « On m’a dit : vous n’avez rien à dire / Rien à faire, rien à déclarer / On m’a dit : contentez-vous de rire, de pleurer ou de chanter ! » Ce qu’il fait dans cette chanson au rythme légèrement militaire enregistrée le 18 décembre 1956 avec Claude Bolling et son orchestre.
10) La complainte de la Butte
Autre chanson qui donne immédiatement le ton et la couleur musicale d’une époque : La complainte de la Butte. Enregistrée par Mouloudji le 18 mai 1955 avec « accompagnement instrumental », formule consacrée pour désigner des musiciens en contrat avec une maison de disques concurrente de Philips, La complainte de la Butte est signée Jean Renoir pour le texte (c’est la première fois qu’il écrit une chanson) et Georges Van Parys, sublime mélodiste, pour la musique. Écrite pour le film French Cancan, du même Jean Renoir, elle est chantée par Cora Vaucaire qui double la comédienne italienne qui apparaît à l’écran… La chanson connue, Mouloudji en fait un succès repris par tous les interprètes du moment (André Claveau, Cora Vaucaire, Patachou, Renée Lebas…). « Les escaliers de la Butte / Sont durs aux miséreux / Les ailes des moulins / Protègent les amoureux ! » : Montmartre et à sa Butte ont trouvé leur hymne. Sur l’album « Entre deux… », Patrick Bruel a repris La complainte de la Butte en duo avec Francis Cabrel.
11) Mon pot’ le gitan
Le 16 mai 1953, Django Reinhardt décède des suites d’une congestion cérébrale à l’âge de 43 ans. À chaud, Jacques Verières écrit ce texte-hommage que met en musique Marc Heyral et l’enregistre en 1954, suivi par Yves Montand, Germaine Montero, Jacques Pills, Robert Ripa, Léo Noël… Mouloudji l’enregistrera deux ans plus tard, le 21 mars 1955, avec Jimmy Walter et son orchestre. Un classique de la chanson manouche qui inspirera un film oublié de François Gir en 1958 où figurent l’auteur de la chanson et Joseph Reinhardt, le frère de Django. « Toi sacré gitan qui sentait l’cafard /Au fond ta musique était pleine d’espoir… »
12) On m’a donné une âme
Chanson de Rachel Thoreau sur une musique de Florence Véran qui, également interprète, la met aussi à son répertoire, suivie par Dany Dauberson et Renée Lebas. Seul interprète masculin de cette chanson « religieuse », Mouloudji l’enregistre le 26 novembre 1953, accompagné par Michel Legrand et son orchestre.
13) La complainte des infidèles
Au début des années 50, Mouloudji multiplie ses apparitions dans les cabarets, mais c'est le cinéma qui va révéler le chanteur. Dans La Maison Bonnadieu, film de Carlo Rim, Mouloudji joue le rôle d'un chanteur de rues. Actionnant l'orgue de Barbarie, il interprète La complainte des infidèles (« Cœur pour cœur, dent pour dent /Telle est la loi des amants... »). Parodie de complainte dans l’esprit de ses auteurs (Carlo Rim et Georges Van Parys), cette chanson va connaître un très grand succès et sera reprise par la plupart des interprètes du moment. Enregistrée le 29 juin 1956, accompagné par un duo d’accordéonistes inconnus (mais les pochettes créditent André Popp et son orchestre).
14) La complainte de Mackie
« Sombre est la nuit / Un éclair luit / Un homme fuit / La mort suit / Un corps tombe / Dans la tombe / Hécatombe / Sans un bruit… » Sur une musique de bastringue berlinois, signée Kurt Weill, avec des vers courts de quatre pieds de Bertolt Brecht, le décor est planté… Chanson phare de l’Opéra de Quat’ Sous, Moritat (son titre original) est un véritable tube, repris dans le monde entier (cf. Mack the Knife par Louis Armstrong). En France, à la fin des années 50, La complainte de Mackie est enregistrée par Léo Noël, Hugues Aufray, Colette Renard... Arrangée par Jimmy Walter, la version de Mouloudji, enregistrée le 5 mars 1959, avec le texte de la première adaptation signé André Mauprey, est devenue un classique de la chanson d’atmosphère.
15) La chanson très bête
Sans doute conçue comme un gag, cette chanson (très) courte de Louis Sauvat, mise en musique par Christiane Verger, met en scène un carabinier et une lavandière venus se baigner dans un ruisseau… « Ils étaient donc tous deux tous nus / Tous deux pleins de désir fou / On pouvait donc s’attendre à tout / Hélas, ils ne se sont pas vus ! » Enregistrée par Mouloudji le 23 décembre 1953 avec Michel Legrand et son orchestre.
16) Le joueur de Monte-Carlo
« J’ai fini ma journée / Je veux dormir au fond de l’eau / De la Méditerrannée… » Pas vraiment une chanson mais un long texte qui alterne parties parlées et parties chantées. Brillant comme toujours, Jean Cocteau pétille de bons mots : « La chance est femme, elle est jalouse… » Cette « chanson parlée » a été enregistrée une première fois sur les deux faces d’un 78 tours en 1936 par Marianne Oswald sous le titre La Dame de Monte-Carlo. « Cette dame, écrit Daniel Nevers,Marianne et Cocteau l’avaient bel et bien rencontrée à plusieurs reprises lors d’un séjour dans la principauté. Habillée bourgeoisement, flambeuse invétérée, sans aucun doute, elle les croisait, toujours à la même heure, en se rendant au casino et elle n’en finissait pas d’avoir “une tête à se foutre à l’eau“ ». Moins théâtrale, la version « masculine » de Mouloudji, ici joueur mélancolique et désabusé, enregistrée 23 février 1959 avec l’orchestre de Jimmy Walter, est beaucoup plus convaincante. Un véritable petit court-métrage dans « l’enfer du jeu »…
17) Les petits pavés
Standard de la « Belle Époque », cette chanson de Maurice Vaucaire et Paul Delmet est redécouverte dans les années 50. Mouloudji l’enregistre une première fois en 1951, en même temps que Patachou. La version de 1959, orchestrée par François Rauber, est extraite d’un album consacré à des « chansons et complaintes du temps passé ». « Las de t’attendre dans la rue / J’ai lancé deux petits pavés / Sur tes carreaux que j’ai crevés / Mais tu ne m’es pas apparue… » Classique de la chanson d’amour, Les petits pavés seront enregistrés par une foule d’interprètes dont… Richard Anthony, Claude Nougaro, Marie-Paule Belle et, plus récemment, Casse Pipe.
18) Petite fleur
Ils sont nombreux en 1959 à enregistrer cette fameuse Petite fleur, slow de toutes les surprises-parties, que Sidney Bechet porte au triomphe l’année même où il disparaît… Parolée par Fernand Bonifay, la version française est enregistrée par Annie Cordy, Danielle Darrieux, Anny Gould, Henri Salvador, Mouloudji… et quelques autres. Moulou, qui n’a pas beaucoup chanté de jazz (mais qui adorait les crooners américains), s’en tire bien, le 20 octobre 1959, soutenu par l’orchestre de Claude Bolling.
19) Moi, j’aime les femmes fatales
Enregistrée une première fois chez Philips le 2 mai 1957, avec André Popp et son orchestre, Moi, j’aime les femmes fatales sera repris par Mouloudji sur d’autres labels dans les années 60 et 70 : « Moi j’aime les femmes fatales / Qui vous prennent au filet / Et pour qui leur vison / Représente le suicide d’un pigeon… »
20) Dis quand reviendras-tu ?
La chanson qui révèle Barbara, jusque-là « chanteuse de minuit », surtout connue comme interprète des autres (Brassens, Brel…). En 1963, Dis, quand reviendras-tu ? est un succès que reprennent Cora Vaucaire et Éva… Séduit par le texte et la mélodie, Mouloudji relève le défi et reprend cette « chanson de femme ». Méconnue, sa version masculine parue en 1965, légèrement modifiée (« Tu n’as pas la vertu des femmes de marins »), façon crooner, est magnifique ! En 1999, sur un album de reprises, Nilda Fernandez reprendra aussi Dis, quand reviendras-tu ?
21) Le galérien
« J’ai pas tué / J’ai pas volé / J’voulais pas lui faire de peine… » Ce texte de Maurice Druon, mis en musique par Léo Poll (le père de Michel Polnareff) est un grand succès dans les années 50, repris par les Compagnons de la Chanson, Yves Montand, Armand Mestral… Cette complainte d’un mauvais garçon sera enregistrée par Mouloudji en 1967, peu après que les Sunlights l’aient reprise.
CD 2
1) Les feuilles mortes
Début 1946, Carné commence le tournage des Portes de la nuit, film adapté du ballet Le Rendez-vous, monté autour du couple Gabin-Dietrich. Mais les deux vedettes se désistent et on les remplace par Nathalie Nattier et Yves Montand, étoile... montante du music-hall. Dans le film, on entend deux chansons : Les enfants qui s'aiment, chantée par Fabien Loris, et Les feuilles mortes, juste fredonnée par Montand et Nathalie Nattier (doublée par Irène Joachim). « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle / Les souvenirs et les regrets aussi... » Échec commercial, ce film sorti fin 1946 marquera la fin de la collaboration entre Carné et Prévert et du « réalisme poétique ». Mais il en est resté une chanson, LA chanson de Prévert et de Kosma à qui Gainsbourg rendra explicitement hommage… Enregistrée par tous les interprètes de l’après-guerre, Les feuilles mortes devient standard international sous la plume de Johnny Mercer (Autumn leaves), repris par tous les crooners et orchestres américains.
Dans cette version de 1970, longue de près de cinq minutes, Mouloudji reprend intégralement le poème, en n’omettant pas le couplet souvent supprimé : « Mais mon amour silencieux et fidèle / Sourit toujours et remercie la vie… »
2) Six feuilles mortes de San Francisco
Un jour, Mouloudji reçoit de San Francisco un télégramme ainsi rédigé : « Envoyez six feuilles mortes. » Il se creuse un peu la tête et finit par comprendre : son correspondant avait, en fait, besoin de six… partitions des Feuilles mortes, la chanson de Prévert et de Kosma ! Ce malentendu l’inspire et avec Gaby Wagenheim il écrit la chanson qui sort en octobre 1969 avec une belle orchestration d’Albert Assayag. La même année, Isabelle Aubret enregistrera aussi Six feuilles mortes de San Francisco.
3) Auto-portrait
À partir de 1968, deux compositrices vont renouveler le répertoire de Mouloudji : Cris Carol et Gaby Verlor. De la rencontre avec Cris Carol naitront plusieurs chansons à succès qui redonnent un nouveau souffle à Mouloudji, Autoportrait, par exemple, un de ses grands succès des années 70. Explications de Cris Carol : « J’avais dit à Mouloudji, “Le côté petite valse musette, accordéon et tout, j’adore, mais ce n’est pas mon truc. Je suis incapable de vous composer quelque chose dans cet esprit. Alors, je vais vous faire ce que j’ai envie.“ Et avec Autoportrait, je lui ai fait un truc très binaire, parce qu’en fait, c’est une bossa-nova : “Catholique par ma mère / Musulman par mon père / Un peu juif par mon fils / Bouddhiste par principe (...) Athée ô grâce à Dieu...“ Non seulement, ça lui a plu mais il l’a très bien réussie et ça a très bien marché. »
4) Comme le dit ma concierge
Le tandem Mouloudji-Cris Carol fonctionne, avec bonheur, tout au long des années 70 : Comme le dit ma concierge, Tout fout le camp, Faut vivre, Madame la môme... « Notre collaboration est rapide, explique Cris Carol. Au départ, Mouloudji me donne quelques brouillons, mais tous ceux qui ont travaillé avec lui le diront : c’est parfois complètement illisible ! Ce sont des bouts de chansons écrits sur des coins de papier, ça déborde d’idées, mais ça n’est pas bien concret... Alors, on pioche : une phrase, un mot, quelque chose qui vous accroche. On bâtit une musique là-dessus et lui, après, redéfinit son texte suivant la découpe de la musique. Et il le fait avec beaucoup de gentillesse. Je connais certains auteurs à qui il ne faut pas toucher une virgule... Mouloudji, lui, est un homme qui n’a pas la prétention chevillée à la virgule près sur ses textes. Il est tout à fait capable de remanier, de refaire, si, évidemment, la musique lui plaît. Si c’est nécesaire, il est capable de mettre toute sa chanson en l’air pour la réadapter à la musique. C’est quelque chose d’appréciable pour un compositeur. » Comme le dit ma concierge : la gouaille de Mouloudji et le son très années 70 des arrangements de Jean Musy…
5) Les Beatles de 40
« Nous les Beatles de 40 / Les James Bond de 14-18 / Nous les yéyés d’l’armistice / Nous les Johnny de 70 / Quand on voit tous ces jeunôts / Avec leur vent dans l’dos / Qui nous poussent vers l’auspice / On s’dit qu’c’était bien la peine / D’aller leur regagner l’Alsace et la Lorraine / Quand on est jeune on est chien / On croit qu’on n’a pas d’faille / Puis on passe la main…» Enregistrée en 1965, cette très jolie valse lente (musique de Gaby Wagenheim) règle ses comptes avec ce qu’on n’appelle pas encore le « jeunisme », un peu comme le fera Philippe Clay avec Mes universités dans la décennie suivante (« Nous, quand on écoutait Londres… c’était pas les Beatles qui nous parlaient… »). « J’ai voulu faire une expérience, explique Mouloudji, en pensant que si je mettais un mot anglais, la chanson allait marcher. Et c’est exactement ce qui s’est passé ! » Deux ans plus tard, les Quatre Barbus mettront Les Beatles de 40 à leur répertoire.
6) Tout fout le camp
« Y’a plus d’jeunesse / Y’a plus d’saisons / Y’a plus d’printemps / Y’a plus d’automne… » Bref, soupire Mouloudji, Tout fout l’camp ! Enregistrée en 1972, sur une musique de Cris Carol qui inspire visiblement l’orchestrateur Jean Musy, Tout fout l’camp peut être assimilé au courant « réactionnaire » symbolisé par les chansons de Philippe Clay (Mes Universités, Ta gueule, Paris !)… Mais Moulou y met plus de tendresse et d’humour : « Y’a plus d’amour / Y’a plus d’serments / Plus d’clair de lune / Plus d’galanterie / Plus qu’la pilule… » Prudent, à la fin de la chanson, il se pose la question : « Mais c’est peut-être moi qui vieillis ? »
7) L’Adagio du pont Caulaincourt
Première chanson du tandem Mouloudji-Cris Carol. Pour ce texte qu’il vient d’écrire, Moulou pense à une musique dans l’esprit de l’Adagio d’Albinoni… « C’est un exercice de style qui m’intéressait, rappelle la compositrice, mais j’étais un peu hésitante en me disant que c’était peut-être un peu présentieux de ma part… » Le résultat est plus que concluant et L’Adagio du Pont Caulaincourt paraît sur un 45 tours en février 1968, avec une magnifique orchestration de François Rauber… préfigurant peut-être la vogue des adaptations de thèmes classiques dans la pop musique…
8) Madame la Môme
Ce texte de Mouloudji est un hommage à « ce petit bout d’électricité » qu’était Édith Piaf… « Elle avait le regard du chien perdu / Qui cherche un maître par les rues… (…) Madame la môme quand elle vous aimait / On l’aimait… » La musique est de Cris Carol et l’orchestration, sur fond de limonaire, signée Jean Musy.
9) Un jour je m’en irai
« Un jour je m’en irai sur un bateau tout blanc / Aux îles sous le vent au pays des enfants… » Sur une très belle musique de Jean Musy, Mouloudji enregistre ce texte mélancolique en 1973 sur un album décidemment très réussi.
10) Une bonne paire de claques
Créée par Louis Massis en 1959, reprise l’année suivante par Anne Gacoin, cette valse-hésitation signée Boris Vian connaît une nouvelle jeunesse après 68 quand Les Charlots l’enregistrent, vite imités par Henri Salvador, l’auteur de la musique. C’est une des rares fois où Salvador s’aventure dans des territoires autres que le jazz ou les rythmes typic… Pour voir la vie en rose, un seul moyen selon Boris Vian : « Une bonne paire de claques dans la gueule / Un bon coup d’savate dans les fesses / Un marron sur les mandibules / Ça vous fait une deuxième jeunesse… » La version de Mouloudji, enregistrée en 1976 sous la direction de Bernard Gérard, est extraite d’un double album consacré à Boris Vian.
11) Le jour des morts
Sur un fond sonore de Jean Musy, ce très long texte est l’impressionnant récit d’une promenade dans Paris au cours de laquelle Mouloudji… revoit tous ses amis disparus… Des anonymes et des gens célèbres (Robert Desnos, André Breton, Marcel Duhamel, Boris, Prévert, Piaf…). Au terme de cette journée, il se dit « bien content de nous savoir tous / Les vivants et les morts / En bonne santé à Paris… »
12) Les bruits de la nuit
Au répertoire de Marianne Oswald dès 1937, Les bruits de la nuit a été publié dans Histoires en 1946 et enregistré une première fois par Mouloudji en 1953. Dans cette version de 1970, plus sobre, sur fond musical de Joseph Kosma, interprété ici à la guitare façon Jeux interdits, Mouloudji interpelle les « bonnes gens » qui dorment sur les « deux oreilles » et leur commente « les bruits de la nuit »…
13) Les enfants qui s’aiment
Pour le film de Marcel Carné, Les Portes de la nuit, Jacques Prévert écrit cette chanson qu’interprète Fabien Loris, « le chanteur de rue », à la station de métro Barbès-Rochechouart entièrement reconstituée en studio par Alexandre Trauner… Ce court poème, publié dansSpectacles en 1949 et mis en musique par Joseph Kosma, est très vite repris par d’autres interprètes comme Yves Montand, Germaine Montero, Anny Gould, Juliette Gréco… Comme souvent, Prévert prend parti pour ceux qui s’aiment, et qui s’embrassent, « excitant la rage des passants »…
14) La pêche à la baleine
Au cours de l’été 1933, lors du séjour qu’il fit en Tchécoslovaquie, retour de Moscou, avec le groupe Octobre, Prévert écrit ce long poème qu’Agnès Capri va créer. L’année suivante, Jacques Prévert et Lou Bonin-Tchimoukow réalisent un court-métrage où ils disent ce texte. Dans l’après-guerre, après sa publication dans Paroles (1949), La pêche à la baleine, mis en musique par Joseph Kosma, devient un des titres fétiches des Frères Jacques, qui l’enregistrent à deux reprises (1949 et 1957). Texte contestataire sous son apparence de fable : « Et pourquoi donc que j’irais pêcher une bête / Qui ne m’a rien fait papa / Va la pêpé, va la pêcher toi-même / Puisque ça te plaît… »
15) L’orgue de barbarie
Déposé en avril 1946, ce texte est aussitôt publié dans Paroles (1949). Mis en musique par Joseph Kosma, il figure au répertoire d’Agnès Capri et sera enregistré deux fois par les Frères Jacques (1949 et 1957), par Cora Vaucaire en 1965 et par Serge Reggiani en 1974. Allégorie sur l’éternel recommencement des choses, sur la vanité des leçons de l’Histoire ? (« Et puis ils se mirent à parler parler / Parler parler parler / On n’entendit plus la musique / Et tout fut à recommencer ! »)
16) Adrienne
Cet enregistrement de Mouloudji est la version masculine d’Adrien, poème écrit en 1936 et publié dans Histoires (1946). Mis en musique par Christiane Verger, il a été enregistré par Germaine Montero en 1953 et par Catherine Sauvage en 1976. Adrienne commence joliment (« La boule de neige / Que tu m’avais jetée / À Chamonix / L’hiver dernier / Je l’ai gardée / Elle est sur la cheminée… »), se poursuit dans l’horreur (le chien, mort, est conservé dans le frigidaire) et se termine dans le sang (l’amoureux d’Adrienne se jette de la Tour Saint-Jacques)… Typique de Prévert.
17) Deux escargots s’en vont à l’enterrement
Le texte, écrit en 1940, est paru dans Paroles (1949), mais mis en musique par Joseph Kosma, il est interprété par Lys Gauty dès 1941. Sa version restera longtemps inédite et entretemps, Cora Vaucaire met Chanson des escargots qui vont à l’enterrement (le titre exact du poème) à son répertoire en 1948, suivie par les Frères Jacques l’année suivante. Jolie fable, comme les affectionne Prévert, qui met en scène des animaux.
18) L’œuf dur [le titre exact est : La grasse matinée]
« Il est terrible le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain / Il est terrible ce petit bruit quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim… ». Ce texte, l’un des plus connus de Prévert, a été déposé en août 1938 puis publié dans Paroles en 1949. En novembre 1937, Marianne Oswald enregistre une première fois ce poème où l’auteur joue avec les mots (« Café crème / Café crime »). Jamais mis en musique, La grasse matinée a toujours été enregistré « en diction » : par Cora Vaucaire (1965), Serge Reggiani, Catherine Sauvage (1991)… La belle voix grave de Mouloudji met bien en valeur ce poème dur… comme l’œuf dont il est question…
19) En sortant de l’école
Ce poème qui chante déjà de lui-même a été mis en musique par Joseph Kosma qui l’a fait entrer au répertoire des écoles et des chorales. Enregistré par Germaine Montero et les Frères Jacques dans un premier temps, puis par Yves Montand et Cora Vaucaire dans les années 60, ce standard de Prévert a été publié dans Histoires. Sa popularité parmi les enfants s’explique peut-être aussi par son titre : En sortant de l’école…
20) Toi, tu dors la nuit
Le vrai titre de ce poème, déposé en 1935 et publié dans Histoires, est Quand tu dors. Mis en musique par Christiane Verger, amie d’enfance de Prévert, Quand tu dors est enregistré par Cora Vaucaire en 1952 puis, plus inattendue, par Édith Piaf en 1961, Barbara en 1969, au cours d’une émission d’Europe n° 1, et Catherine Sauvage en 1991. En avril 1947, au moment où il entame sa carrière de chanteur, Mouloudji chante Quand tu dors à la radio mais ne l’enregistrera qu’en 1970, accompagné par Gaby Wagenheim. « Toi, tu dors la nuit / Moi j’ai de l’insomnie / Je te vois dormir / Ça me fait souffrir / Lorsque tu dors je ne sais pas si tu m’aimes / T’es tout près mais si loin quand même… »
Sur un thème voisin, Charles Trenet écrira Où vas-tu chaque nuit ?, qu’il enregistre en 1953.
21) La chasse à l’enfant
Un fait divers survenu à Belle-Île-en-Mer en août 1934 est à l'origine de ce texte de Prévert : à la suite de l’évasion de plusieurs enfants placés en « maisons de correction », des touristes s’étaient joints à la meute de gardiens partis à leur recherche… « C'est la meute des honnêtes gens / Qui fait la chasse à l'enfant / Pour chasser l'enfant pas besoin de permis / Tous les braves gens s'y sont mis... » Fortement impressionné, Prévert envisage même d'en faire le sujet d'un film dont il écrit le scénario (L'île des enfants perdus) mais qui ne se fera pas. .. La première, Marianne Oswald enregistre Chasse à l’enfant au mois d'octobre 1934. Les Frères Jacques le feront en 1957 sur l’album « Prévert » et Mouloudji en 1970.
22) Barbara
Le poème chanté le plus connu de Prévert, le plus universel sans doute. Écrit en 1945, publié dansParoles, il est enregistré par les Frères Jacques en 1949 qui en font un standard et le symbole de la chanson engagée germanopratine… Yves Montand l’enregistre la même année, suivi par Mouloudji puis, en 1954, par son auteur lui-même, accompagné à la guitare par Henri Crolla. Très belle chanson d’atmosphère, qui renvoie au réalisme poétique des films de Carné (la pluie sur Brest, l’homme sous le porche qui crie son nom et la femme qui s’avance vers lui, ruisselante, ravie, épanouie…), Barbara est aussi connue pour sa célèbre exclamation : « Quelle connerie la guerre ! », qui fit pas mal de bruit en son temps… « Je l’avais écrit pendant la dernière guerre. Bien sûr, cela concernait Brest, une ville que j’aime, mais cela concernait aussi bien la destruction de Rotterdam, de Berlin ou de Dresde. On m’a beaucoup reproché, en haut lieu de gauche ou de droite, d’avoir dit : “Quelle connerie“ avant même que la guerre soit finie. Il paraît qu’il y a un temps pour tout. Moi, je m’en fous. » (entretien avec André Pozner, Hebdromadaires)
23) Faut vivre
« Faut vivre », l’album de la cinquantaine paru en 1973, est un disque d’une grande unité, à marquer d’une pierre blanche. La vie commence à 50 ans, chante Mouloudji, et même si Tout fout l’camp et Que le temps passe vite, il faut prendre Le temps de vivre. Un seul leitmotiv : Faut vivre ! Mouloudji a renouvelé son équipe et confie ses textes à ses trois nouveaux compositeurs (Cris Carol, Gaby Verlor et Jean Musy). Sur une musique de Cris Carol et les arrangements de Jean Musy, tous deux sublimes, Mouloudji nous assène tranquillement cette belle profession de foi : « Malgré qu’on soit dans l’engrenage / Des notaires et des héritages / Où le cœur s’écœure et s’enlise / Faut vivre… » Et enfin : « Et bien que l’on ait qu’une vie / Une seule pour l’éternité / Malgré qu’on la sache ratée / Faut vivre… » Plus tard, Moulou dira de la musique de Faut vivre qu’elle est « digne de Léo Ferré » ! Beau compliment.
Notes sur les chansons : Raoul Bellaïche
Datation des enregistrements : Marc Monneraye et Jacques Lubin.
Sélection des titres : Raoul Bellaïche, Jean-Yves Billet, Annabelle Mouloudji.
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