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Léo Ferré - Les professionnelles
Ajoutée le 8 févr. 2013
Le témoignage des professionnelles est tirée de l'oeuvre monumentale "l'opera du pauvre" enregistrée en 1983 sous la forme d'un quadruple album. Cette oeuvre est largement inspirée d'une piece qu'avait écrite Léo Ferré en 1956 est intitulée: La nuit. L'opéra du pauvre c'est plus de deux heures d'un pur bonheur. Un plaidoyer pour la nuit ou tout simplement pour la vie.
Les professionnelles
EXTRAIT DE L'OPÉRA DU PAUVRE DE LÉO FERRÉ
.../...
Le GreffierIl y a deux femmes qui demandent à être entendues, Monsieur le Président.
Le CorbeauQui sont-elles ?
Le GreffierMais... mais... ce sont des... des... professionnelles... des... des putains !
Le CorbeauAh ! Ah !... mais c'est intéressant...
Alors, mesdames ? Vous êtes pour la Nuit, évidemment !
1ère ProfessionnelleAh ! Pour nous, la nuit est un enfant du malheur et de toutes âmes réunies.
Nous parlons, nous faisons la Nuit. Nous l'embrassons comme un amour insensé,
commode, pas tout à fait dans le temps et dans l'univers.
La Nuit, c'est à genoux que nous la prions
Comme une source diabolique
Comme un chagrin qui se délecte
Comme un empire sur la route et qui te fait bien des mystères.
Comme un ennui qui part, là-bas...
Pourquoi ? Parce que c'est moi qui le nourris
Qui l'entreprends...
Je prends la Nuit par le devant...
Le CorbeauVous ?
1ère ProfessionnelleOui, moi je prends la nuit par le devant
Et elle m'apprend à la défaire
Alors je suis l'oiseau charmeur et silencieux...
Le CorbeauVous dîtes tout ça à vos clients, Madame ?
1ère ProfessionnelleBien sûr que non. Je ne dis rien à mes clients, je les invite à faire vite, vite, vite... Et puis je m'en remets à mes discours que je reprends sous un fanal qui marche au gaz et que je réinvente dans les néons subversifs.
Le CorbeauComment ? Les néons subversifs ?
1ère ProfessionnelleLes néons, Monsieur, sont la honte de la lumière. Ils n'existent que parce que les yeux des hommes sont irrévérencieux, sordides, éteints... de préférence. Alors la communauté organisatrice - le pouvoir, si vous préférez- a inventé des crécelles lumineuses pour entrer dans les yeux morts, éteints, je le répète. Les yeux des hommes, quand ils descendent sur nos abîmes, n'en remontent plus et ils s'isolent dans la honte, le qu'en dira-t-on, horreur de la virginité dépassée, vaincue, sorcière. Et nous les avons bien alors, dans nos yeux à nous, et nous les tirons de leur infortune et de leurs piètreries voyeuses et terminées.
Le CorbeauPourquoi terminées ?
1ère ProfessionnelleParce que l'amour vendu, ça n'est pas un plat courant ; c'est le désordre des viscères qui se hâtent à toujours recommencer.
Le CorbeauVous êtes philosophe ?
1ère ProfessionnelleNon. Je suis un Ange décapité, Monsieur. Le Corbeau (à la 2ème professionnelle)Et vous ? Vous êtes décapitée ?
2ème ProfessionnelleMoi je décapite les têtes maladroites, vertueuses... qui se croient vertueuses... qui se croient vertueuses avec, toujours, inscrits sur leur drapeau, des mots clefs, des mots malades, des mots terribles qui remettent leur solitude toujours en question, comme-ci l'on était contraint de s'illustrer avec des formes habituelles, séniles aussi, même à l'âge de la fleur... Vous comprenez ?
Le CorbeauNon.
2ème ProfessionnelleÇa ne fait rien. Rien ne sert à rien.Tout est à réinventer. Nous autres, des formules apprises - ou que l'on croit apprises - nous sommes d'un autre univers, celui de la Folie consciente et arnaqueuse. La Nuit nous connaît bien et elle nous invite toujours à la suivre. Dès le crépuscule, NOUS SOMMES. Etre, pour nous, ça n'est pas une question...you see ?
Le CorbeauEt dans les chambres, comment ça se passe ?
Les deux Professionnelles ensembleNOUS NE SAVONS PAS, MONSIEUR, NOUS SOMMES DES ARTIFICES. A vous dire la vérité...
Le CorbeauIl faut dire la Vérité. Vous êtes là pour ça, Mesdames !
Greffier ! Notez la Vérité !
Le GreffierMiaou ! Miaou !
1ère ProfessionnelleC'est ça, la Vérité ! C'est la raison pour laquelle notre entrechat s'appelle "sexe". Dans les néons ça crisse un peu quand-même et ça miaule aussi. A vous dire la Vérité donc, nous existons que dans la mesure où le Bien se consomme avec le Mal.
Le CorbeauComment ? Mais ça n'a rien à voir avec votre témoignage en faveur de la Nuit, Madame. Le Bien ? Le Mal ? Nous ne sommes pas au catéchisme !
1ère ProfessionnelleAh ! Pardon ! le catéchisme, ça marche, Monsieur le Président, et surtout la Nuit. Ce qui est défendu, ça marche ! Le Mal, c'est bon, non ? La Nuit ? La Nuit, rien que la Nuit. C'est elle qui arme les assassins, qui fournit les alibis un peu vaseux à l'adultère, qui désarme des juges, qui sourit aux hiboux, qui tranche sur le vif du sujet, qui emballe la vertu comme un paquet d'outre-saison qui change l'aspect des bonnes soeurs enfermées et cyniques en dedans. Les religieuses font l'amour, la Nuit, avec le Christ, enfin... on dit ça...
Le CorbeauAssez, Madame, assez !
1ère ProfessionnellePourquoi ? Vous croyez que les religieuses, la Nuit, n'ont pas de sexe, n'ont pas d'envolée vers cette fantastiques éternité de l'instant, quand ça leur coule comme un torrent d'inaccessible beauté et qui descend de l'entrerêve et du milieu et du sordide illuminé et de la joie faussée par leur missel qui se ferme, pas tout à fait, sur le chagrin des villes mortes et des bordels intelligents ? Vous croyez donc que les amants ne sont que des marginaux, extraversés, réunis ? Le péché est le grand camarade des vertueux de métier. Demandez donc à une soeur cloîtrée comment elle fait pour se dépendre de son Christ et de sa foi malade, Président ?
Le CorbeauMais... C'est déjà fait, Madame. C'est déjà fait et ça n'est pas ce que vous pensez. En tout cas, c'est dit autrement. Merci, Mesdames.
Le GreffierIl y a deux femmes qui demandent à être entendues, Monsieur le Président.
Le CorbeauQui sont-elles ?
Le GreffierMais... mais... ce sont des... des... professionnelles... des... des putains !
Le CorbeauAh ! Ah !... mais c'est intéressant...
Alors, mesdames ? Vous êtes pour la Nuit, évidemment !
1ère ProfessionnelleAh ! Pour nous, la nuit est un enfant du malheur et de toutes âmes réunies.
Nous parlons, nous faisons la Nuit. Nous l'embrassons comme un amour insensé,
commode, pas tout à fait dans le temps et dans l'univers.
La Nuit, c'est à genoux que nous la prions
Comme une source diabolique
Comme un chagrin qui se délecte
Comme un empire sur la route et qui te fait bien des mystères.
Comme un ennui qui part, là-bas...
Pourquoi ? Parce que c'est moi qui le nourris
Qui l'entreprends...
Je prends la Nuit par le devant...
Le CorbeauVous ?
1ère ProfessionnelleOui, moi je prends la nuit par le devant
Et elle m'apprend à la défaire
Alors je suis l'oiseau charmeur et silencieux...
Le CorbeauVous dîtes tout ça à vos clients, Madame ?
1ère ProfessionnelleBien sûr que non. Je ne dis rien à mes clients, je les invite à faire vite, vite, vite... Et puis je m'en remets à mes discours que je reprends sous un fanal qui marche au gaz et que je réinvente dans les néons subversifs.
Le CorbeauComment ? Les néons subversifs ?
1ère ProfessionnelleLes néons, Monsieur, sont la honte de la lumière. Ils n'existent que parce que les yeux des hommes sont irrévérencieux, sordides, éteints... de préférence. Alors la communauté organisatrice - le pouvoir, si vous préférez- a inventé des crécelles lumineuses pour entrer dans les yeux morts, éteints, je le répète. Les yeux des hommes, quand ils descendent sur nos abîmes, n'en remontent plus et ils s'isolent dans la honte, le qu'en dira-t-on, horreur de la virginité dépassée, vaincue, sorcière. Et nous les avons bien alors, dans nos yeux à nous, et nous les tirons de leur infortune et de leurs piètreries voyeuses et terminées.
Le CorbeauPourquoi terminées ?
1ère ProfessionnelleParce que l'amour vendu, ça n'est pas un plat courant ; c'est le désordre des viscères qui se hâtent à toujours recommencer.
Le CorbeauVous êtes philosophe ?
1ère ProfessionnelleNon. Je suis un Ange décapité, Monsieur. Le Corbeau (à la 2ème professionnelle)Et vous ? Vous êtes décapitée ?
2ème ProfessionnelleMoi je décapite les têtes maladroites, vertueuses... qui se croient vertueuses... qui se croient vertueuses avec, toujours, inscrits sur leur drapeau, des mots clefs, des mots malades, des mots terribles qui remettent leur solitude toujours en question, comme-ci l'on était contraint de s'illustrer avec des formes habituelles, séniles aussi, même à l'âge de la fleur... Vous comprenez ?
Le CorbeauNon.
2ème ProfessionnelleÇa ne fait rien. Rien ne sert à rien.Tout est à réinventer. Nous autres, des formules apprises - ou que l'on croit apprises - nous sommes d'un autre univers, celui de la Folie consciente et arnaqueuse. La Nuit nous connaît bien et elle nous invite toujours à la suivre. Dès le crépuscule, NOUS SOMMES. Etre, pour nous, ça n'est pas une question...you see ?
Le CorbeauEt dans les chambres, comment ça se passe ?
Les deux Professionnelles ensembleNOUS NE SAVONS PAS, MONSIEUR, NOUS SOMMES DES ARTIFICES. A vous dire la vérité...
Le CorbeauIl faut dire la Vérité. Vous êtes là pour ça, Mesdames !
Greffier ! Notez la Vérité !
Le GreffierMiaou ! Miaou !
1ère ProfessionnelleC'est ça, la Vérité ! C'est la raison pour laquelle notre entrechat s'appelle "sexe". Dans les néons ça crisse un peu quand-même et ça miaule aussi. A vous dire la Vérité donc, nous existons que dans la mesure où le Bien se consomme avec le Mal.
Le CorbeauComment ? Mais ça n'a rien à voir avec votre témoignage en faveur de la Nuit, Madame. Le Bien ? Le Mal ? Nous ne sommes pas au catéchisme !
1ère ProfessionnelleAh ! Pardon ! le catéchisme, ça marche, Monsieur le Président, et surtout la Nuit. Ce qui est défendu, ça marche ! Le Mal, c'est bon, non ? La Nuit ? La Nuit, rien que la Nuit. C'est elle qui arme les assassins, qui fournit les alibis un peu vaseux à l'adultère, qui désarme des juges, qui sourit aux hiboux, qui tranche sur le vif du sujet, qui emballe la vertu comme un paquet d'outre-saison qui change l'aspect des bonnes soeurs enfermées et cyniques en dedans. Les religieuses font l'amour, la Nuit, avec le Christ, enfin... on dit ça...
Le CorbeauAssez, Madame, assez !
1ère ProfessionnellePourquoi ? Vous croyez que les religieuses, la Nuit, n'ont pas de sexe, n'ont pas d'envolée vers cette fantastiques éternité de l'instant, quand ça leur coule comme un torrent d'inaccessible beauté et qui descend de l'entrerêve et du milieu et du sordide illuminé et de la joie faussée par leur missel qui se ferme, pas tout à fait, sur le chagrin des villes mortes et des bordels intelligents ? Vous croyez donc que les amants ne sont que des marginaux, extraversés, réunis ? Le péché est le grand camarade des vertueux de métier. Demandez donc à une soeur cloîtrée comment elle fait pour se dépendre de son Christ et de sa foi malade, Président ?
Le CorbeauMais... C'est déjà fait, Madame. C'est déjà fait et ça n'est pas ce que vous pensez. En tout cas, c'est dit autrement. Merci, Mesdames.
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