Le Chien
À mes oiseaux piaillant debout
Chinés sous les becs de la nuit
Avec leur crêpe de coutil
Et leur fourreau fleuri de trous
À mes compaings du pain rassis
À mes frangins de l’entre-bise
À ceux qui gerçaient leur chemise
Au givre des pernods-minuit
À l’Araignée la toile au vent
À Biftec baron du homard
Et sa technique du caviar
Qui ressemblait à du hareng
À Bec d’Azur du pif comptant
Qui créchait côté de Sancerre
Sur les MIDNIGHT à moitié verre
Chez un bistre de ses clients
Aux spécialistes du scoumoune
Qui se sapaient de courants d’air
Et qui prenaient pour un steamer
La compagnie Blondin and Clowns
Aux pannés qui la langue au pas
En plein hiver mangeaient des nèfles
À ceux pour qui deux sous de trèfle
Ça valait une Craven A
À ceux-là je laisse la fleur
De mon désespoir en allé
Maintenant que je suis paré
Et que je vais chez l’ coiffeur
Pauvre mec mon pauvre Pierrot
Vois la lune qui te cafarde
Cette américaine moucharde
Qu’ils ont vidée de ton pipeau
Ils t’ont pelé comme un mouton
Avec un ciseau à surtaxe
Progressivement contumax
Tu bêles à tout-va la chanson
Et tu n’achètes plus que du vent
Encore que la nuit venue
Y a ta cavale dans la rue
Qui hennit en te klaxonnant
Le Droit la Loi la Foi et Toi
Et une éponge de vin sur
Ton Beaujolais qui fait l’ mur
Et ta Pépée qui fait le toit
Et si vraiment Dieu existait
Comme le disait Bakounine
Ce Camarade Vitamine
Il faudrait s’en débarrasser
Tu traînes ton croco ridé
Cinquante berges dans les flancs
Et tes chiens qui mordent dedans
Le pot-au-rif de l’amitié
Un poète ça sent des pieds
On lave pas la poésie
Ça se défenestre et ça crie
Aux gens perdus des mots FÉRIÉS
Des mots oui des mots comme le Nouveau Monde
des mots venus de l’autre côté de la rive
des mots tranquilles comme mon chien qui dort
des mots chargés des lèvres constellées dans l’ dictionnaire
des constellations d’ mots
Et c’est le Bonnet noir que nous mettrons sur
le vocabulaire
Nous ferons un séminaire particulier avec des grammairiens
particuliers aussi
et chargés de mettre des perruques aux vieilles pouffiasses
littéromanes
IL IMPORTE QUE LE MOT AMOUR soit rempli de
mystère et non de péché, de tabou, de vertu, de carnaval
romain des draps cousus dans l’ salace
et dans l’objet de la policière voyance ou voyeurie
Nous mettrons de longs cheveux aux prêtres de la rue pour
leur apprendre à s’appeler dès lors monsieur l’abbé Rita
Hayworth
monsieur l’abbé BB fricoti fricota et nous ferons des prières
inversées
et nous lancerons à la tête des gens des mots
SANS CULOTTE
SANS BANDE À CUL
sans rien qui puisse jamais remettre en question
la vieille la très vieille et très ancienne et démodée querelle
du qu’en diront-ils
et du je fais quand même mes cochoncetés en toute quiétude
sous prétexte qu’on m’a béni
et que j’ai signé chez monsieur le maire de mes deux mairies
ALORS QUE CES ENFANTS DANS LES RUES SONT
TOUT SEULS
ET S’INVENTENT LA VRAIE GALAXIE D’ L’AMOUR
INSTANTANÉ
alors que ces enfants dans les rues s’aiment et s’aimeront
alors que cela est indéniable
alors que cela sera de toute évidence et de toute éternité
JE PARLE POUR DANS DIX SIÈCLES et j’ prends date
on peut m’ mettre en cabane
on peut me rire au nez ça dépend d’ quel rire
JE PROVOQUE À L’AMOUR ET À LA
RÉVOLUTION
YES! I AM UN IMMENSE PROVOCATEUR
J’ vous l’ai dit
Des armes et des mots c’est pareil
Ça tue pareil
II faut tuer l’intelligence des mots anciens
Avec des mots tout relatifs, courbes, comme tu voudras
IL FAUT METTRE EUCLIDE DANS UNE POUBELLE
Mettez-vous le bien dans la courbure
C’est râpé vos trucs et manigances
Vos démocraties où il n’est pas question d’ monter à l’hôtel
avec une fille
si elle n’ vous est pas collée par la jurisprudence
C’est râpé Messieurs d’ la Romance
Nous, nous sommes pour un langage auquel vous n’entravez
que couic
NOUS SOMMES DES CHIENS et les chiens, quand y’
sentent la compagnie,
Y s’ dérangent et on leur fout la paix
Nous voulons la Paix des Chiens
Nous sommes des chiens de "bonne volonté"
et nous n’ sommes pas contre le fait qu’on laisse venir à nous
les chiennes
puisqu’elles sont faites pour ça et pour nous
Nous aboyons avec des armes dans la gueule
Des armes noires et blanches comme des mots noirs et blancs
NOIRS COMME LA TERREUR QU’ VOUS ASSUMEREZ
BLANCS COMME LA VIRGINITÉ QUE NOUS
ASSUMONS
NOUS SOMMES DES CHIENS et les chiens, quand y’
sentent la compagnie,
Y s’ dérangent, y’ s’ décolliérisent
et posent leur os comme on pose sa cigarette quand on a
que’qu’ chose d’urgent à faire
Même et de préférence si l’urgence contient l’idée de vous
foutre sur la margoulette
Je n’écris pas comme de Gaulle ou comme Perse
Je CAUSE et je GUEULE comme un chien
JE SUIS UN CHIEN
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