Le temps du tango · Léo Ferré
Moi je suis du temps du tango
Où mêm' les durs étaient dingos
De cett' fleur du guinch'exotique
Ils y paumaient leur énergie
Car abuser d' la nostalgie
C'est comme l'opium... ça intoxique.
Costume clair et chemis' blanch'
Dans le sous-sol du " Mikado "
J'en ai passé des beaux dimanches
Des bell's venaient en avalanch'
Et vous offraient comm'un cadeau
Rondeur du sein et de la hanche...
Pour qu'on leur fasse danser l' tango !...
Ces môm's-là faut pas vous tromper
C'était d' la bell' petit' poupée
Mais pas des fill's ni des mondaines
Et dam' quand on a travaillé
Six jours entiers, on peut s' payer
D'un coeur léger... un' fin d' semaine...
Si par hasard et sans manièr's
Le coup d' béguin venait bientôt
Ell's se donnaient c'était sincère
Ah ! c' que les femm's ont pu me plair'
Et c' qu' j'ai plu !
J'étais si beau...
Faudrait pouvoir fair' marche arrière...
Comme on l'fait pour danser l'tango !
Des tangos, y'en avait des tas
Mais moi j' préférais " Violetta "
C'est si joli quand on le chante...
Surtout quand la boul' de cristal
Balance aux quatre coins du bal
Tout un manèg'... d'étoil's filantes
Alors c'était plus Valentin'
C'était plus Loulou, ni Margot
Dont je serrais... la taille fine...
C'était la rein' de l'Argentin'
Et moi j'étais son hidalgo
Oeil de velours et main câline...
Ah c' que j'aimais danser l' tango !...
Mais doucement passent les jours
Adieu, la jeunesse et l'amour
Les petit's môm's et les "je t'aime..."
On laisse la place et c'est normal
Chacun son tour d'aller au bal
Faut pas qu' ça soit... toujours aux mêmes
Le coeur, ça se dit : " corazón "
En espagnol, dans les tangos...
Et dans mon coeur... ce mot résonne...
Et sur le boul'vard, en automn'
En passant près du " Mikado "
Je n' m'arrêt' plus mais je fredonne :
C'était bath, le temps du tango...
C'était bath, le temps du tango.
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