dimanche 2 novembre 2025

Tout lire Léo Ferré 1916 - 19... - 16 chansons (audios et paroles )

 




                 

J'ai du savon qui lave
Les péchés capitaux
Un stylo–bille qui grave
Le goût d'un apéro
Un soutien–gorge à piles
Qui ne s'allume qu'aux beaux yeux
Un dentifrice habile
A blanchir les aveux
Un buvard facétieux
Qui sèche les chagrins
Un oeil pour lire à deux
Quand le jour s'est éteint
Un violon capital
Voilé de Chambertin
A faire sonner le mal
Plus fort que le tocsin

Si ça ne va pas
Tu peux toujours aller la voir
Tu demanderas
La Poésie
On t'ouvrira
Même si elle n'est pas là
D'ailleurs elle n'est pas là
Mais dans la tête d'un fou
Ou bien chez des voyous
Habillés de chagrin
Qui vont par les chemins
Chercher leur bonne amie
La Poésie

J'ai des bas pour boiteuse
A faire boiter l'ennui
Et des parfums de gueuse
A remplir tout Paris
Des pendules à marquer
Le temps d'un beau silence
Des lassos à lacer
Les garces de la chance
Des machines à souffler
Le vert de l'espérance
Et des vignes à chanter
Les messes de la démence
Des oiseaux–transistors
Qui chantent sur la neige
Garantis plaqués–or
Plaqués par le solfège

Si ça ne va pas
Tu peux toujours aller la voir
Tu demanderas
La Poésie
On t'ouvrira
Même si elle n'est pas là
D'ailleurs elle n'est pas là
Mais dans la tête d'un fou
Qui se prend pour un hibou
A regarder la nuit
Habillée de souris
Comme sa bonne amie
La Poésie

J'ai du cirage blond
Quand les blés vont blêmir
De la glace à façon
Pour glacer les soupirs
Des lèvres pour baiser
Les aubes dévêtues
Quand le givre est passé
Avec ses doigts pointus
J'ai tant d'azur dans l'âme
Qu'on n'y voit que du bleu
Quand le rouge m'enflamme
C'est moi qui suis le feu
J'ai la blancheur du cygne
A blanchir tout Saint–Cyr
Et sur un de mes signes
On meurt pour le plaisir

Si ça ne va pas
Tu peux toujours aller la voir
Tu demanderas
La Poésie
On t'ouvrira
Des fois qu'elle serait là
Elle te recevrait même pas
Elle n'est là pour personne
Elle n'aime pas qu'on la sonne
C'est pas une domestique
Elle sait bouffer des briques
Mais quand elle veut, Elle crie

LA POÉSIE!





                 

T'es belle même quand tu pleures
T'as le spleen élégant, le blues enchanteur
Il devait être aveugle et sourd
Pour être allé faire un tour
C'est pas la peine de faire semblant
Je sais qu'on est pas des géants
Viens, on pleure, on pissera moins
Comme toujours, ça passera
Ça va, ça vient, ça s'en va
Dans deux ans on en rira, toi et moi
Viens, j't'emmène au Palladium
On boira du rock'n'roll
Sur des vieux hits à la gomme
Si c'est la mer à boire
Le grand fiasco
Le chaos et son cafard
Je t'en ferai des calembours
Et des comptines pour l'histoire
Tomber de Charybde en Scylla
Si tu chiales, je coule avec toi
Viens, on danse, ça se verra moins
Comme toujours, ça passera
Ça va, ça vient, ça s'en va
Dans deux ans on en rira, toi et moi
Viens, j't'emmène au Palladium
On boira du rock'n'roll
Sur des vieux hits à la gomme
Flamme éternelle
Pluie violette
Un gros taxi jaune à Vancouver
Des amoureux solitaires
L'oiseau noir
La ritournelle
Un hôtel bleu, face à mon phare, s'élève
S'il faut, j'lui casse la gueule
J'lui règle son compte
Il finira tout seul
Ça n'servirait peut être à rien
Et ça nous ferait p't'être du bien
C'est pas la peine d'être exemplaires
Je sais qu'on sera pas les dernières
Viens, on chante, on l'aimera moins
Comme toujours, ça passera
Ça va, ça vient, ça s'en va
Dans deux ans on en rira, toi et moi
Viens, j't'emmène au Palladium
On boira du rock'n'roll
Sur des vieux hits à la gomme
Sur des vieux hits à la gomme
Sur des vieux hits à la gomme







                


La faim
quand ça m'prenait
maint'nant ça va
du moins j'le crois
La faim
ça m'connaissait
car elle et moi
c'était comm'ça
La faim
faut y penser
de temps en temps
ça fait les dents
comm'chez les bêtes
féroces
ça coupe la noce
Ça fait penser
moi j'ai dîné
pas mal et toi
les aut's j'm'en fous
Et gamberger
quel est ce chien
qui m'tend les mains
et ses yeux doux.
La faim
y'en a pour qui
ça va toujours
c'est comm'l'amour
La faim
y'en a pour qui
ça va jamais
toujours complet
La faim
y'en a pour qui
les vieux croûtons
c'est encor' bon
comm'la romaine
ça gonfle
ça coupe la s'maine
Dans l'estomac
ça nage un peu
ça fait c'qu'on peut
ça bouch'les trous
Et dans l'taff'tas
ça serre un peu
un cran mon vieux
faut joind'les bouts.
La faim
quand par hasard
y'en a pour deux
ça fait causer
La faim
pour les bavards
c'est pas c'qu'y'a d'mieux
mais ça distrait
La faim
jamais en r'tard
cett'souris-là
n'attend mêm'pas
que tu la sonnes
ell' trône
superbe matrone
Elle a son chic
les yeux cernés
du fil de soie
dans les tibias
Même en musique
elle fait jeûner
c'te cigal'-là
depuis des mois
La faim
y'en a qui dis'nt
qu'elle est fauchée
mais c'est pas vrai
La faim
ça a toujours
deux trois p'tits tours
dans son panier
La faim
quand t'as trimé
des tas d'années
dans sa carrée
donne un pourboire
un' poire
pour
la
SOIF.




                

On m'appelle la télé, la montreuse à tout–va
Avant de faire le trottoir je me les caille sur les toits
Je suis pas grand–chose de bien, c'est sûr, mais ce qui me gêne
C'est leurs yeux interlopes qui me luxent les antennes...
J'ai un gars qu'est direct et l'autre qu'on nomme play–back
Et tout ça se pellicule et tout ça se met en boîte
Mais les clients sérieux c'est pas qu'ils m'embarrassent
Et pour pas faire d'envieux je me les fais face à face

On m'appelle la télé, la montreuse électrique
Et je suis comme une morphine qu'endort la république
Quand y'a des pinailleurs qui me soulèvent des problèmes
Sur qui ou quoi ou qu'est–ce... je leur dis: Jugez vous–mêmes
Un ministre à l'année que le trottoir indispose
Entre deux cabinets fréquente ma télé–close
Pour les yeux affamés qui vont chercher fortune
Dans mon lit à colonnes je peux leur montrer ma Une

On m'appelle la télé des famille s tout ce qui y'a de mieux
J'ai des ministres oc–CULtes à qui je fais les yeux
Je suis la télé–partouze, finale ment, faut bien le dire
Qu'importe la partouze quand c'est pour le plaisir
Des fois je suis l'invisible, j'en ai qui marchent à ça,
T'as pas vu, mon coco, mes soutiens–caméras?
Quand je suis exciting, y'a de drôle s de poulets
Qui foutent un carré blanc sur ce qu'ils vont lorgner

On m'appelle la télé et je fais tous les quartiers
Avec mes patte s en l'air j'ai le voyeur assuré
L'Olympe s'est vidé, le music–hall du business,
Alors pour le remplir il tâte mon Palmarès
Depuis que j'ai de la Lecture pour tous je suis un peu snob
Je bouffe avec Montherlant qui m'améliore mon job
Mais comme le vendredi c'est le jour de la morue
Mon mac Panorama me fout au coin des rues

On m'appelle la télé de la photo cavaleuse
Sur mon trottoir là–haut je me sens toute transisteuse
Tout comme les fille s publiques qu'ont leur jour de sortie
Moi pour prendre un coup d'air faut que je me tape le rugby
Des fois je suis comme les grues qui font du sentiment
Je fais pas payer trop cher et tout le monde est content
Des fois je suis pas causeuse, c'est quand j'ai mes affaires
Alors je dis: Barka! et je prends le frais mon petit père...




                

Avec sa faux des quatre saisons
Et du crêpe dans son peignoir
Sur ses échasses de béton
Dans les faubourgs du désespoir

Elle meurt sa mort, la mort, elle meurt...

Avec ses cordes pour la pluie
A encorder les poitrinaires
Ses poumons de cendre qui prient
Dans la soufflerie des mystères

Elle meurt sa mort, la mort, elle meurt...

Sur la route des jours heureux
Dans les bielles et dans le courroux
En mettant du noir sur les yeux
Et du sang frais sur les cailloux

Elle meurt sa mort, la mort, elle meurt...

L'hôpital meublé de ses gens
Dans les salles où dorment les chromes
Avec son fils et ses gants blancs
Dans l'anesthésie des royaumes

Elle meurt sa mort, la mort, elle meurt...

Avec le végétal nourri
De son détestable négoce
Avec les rires et les cris
Qui croissent sur toutes ces bosses

Je vis ma vie, je vis
Je vis





                



T'es comme un rossignol
A la voix de goéland
Qui chante au music–hall
Qui fait danser les gens
T'es comme un baratin
Qui cause en mi bémol
T'es comme une vieille putain
Qui monte qu'à l'entresol

Beau saxo
Beau saxo

T'es comme un arc–en–ciel
Sur l'harmonie du soir
T'es comme un maître d'hôtel
Qui joue en blanc et noir
T'es comme un soprano
Qu'aurait vendu Callas
Et chanterait comme un pot
Le prologue de Paillasse

Beau saxo
Beau saxo

T'es qu'une chanson de la nuit
Qui s'étire et qui rampe
Quand l'amour s'est blotti
Au fond d'un verre de champ
T'es qu'un hautbois de la grippe
Qu'a sa flûte en vitrine
Et quand tu fais la lippe
T'es le violon de Chaliapine

Beau saxo
Beau saxo

T'es comme une maladie
Qu'on piquerait au boxon
Et qu'on garde toute la vie
Comme une décoration
Vous êtes comme les gitans
Vous les saxos, mes frères,
Vous cavalez tout le temps
Sur l'octave des misères

Beaux saxos

Beaux saxos...



                 

On s'aimera
Pour un quignon d'soleil
Qui s'étire pareil
Au feu d'un feu de bois
On s'aimera
Pour des feuilles mourant
Sous l'œil indifférent
De monseigneur le froid
De monseigneur le froid
On s'aimera cet automne
Quand ça fume que du blond
Quand sonne à la Sorbonne
L'heure de la leçon
Quand les oiseaux frileux
Se prennent par la taille
Et qu'il fait encore bleu
Dans le ciel en bataille
Dans le ciel
On s'aimera
Pour un manteau pelé
Par les ciseaux gelés
Du tailleur des frimas
On s'aimera
Pour la boule de gui
Que l'an neuf à minuit
À roulée sous nos pas
À roulée sous nos pas
On s'aimera cet hiver
Quand la terre est peignée
Quand s'est tu le concert
Des oiseaux envolés
Quand le ciel est si bas
Qu'on l'croit au rez-d'chaussée
Et que l'temps des lilas
N'est pas prêt d'être chanté
N'est pas prêt d'être chanté
On s'aimera
Pour un tapis tout vert
Où comme les filles de l'air
Les abeilles vont jouer
On s'aimera
Pour ces bourgeons d'amour
Qui allongent aux beaux jours
Les bras de la forêt
Les bras de la forêt
On s'aimera ce printemps
Quand les soucis guignols
Dansent le french cancan
Au son du rossignol
Quand le chignon d'hiver
De la terre endormie
Se défait pour refaire
L'amour avec la vie
L'amour avec la vie
On s'aimera
Pour une vague bleue
Qui fait tout ce qu'on veut
Qui marche sur le dos
On s'aimera
Pour les sel et le pré
De la plage râpée
Où dorment des corbeaux
Où dorment des corbeaux


                 

Ils prenaient la rosée pour du rosé d'Anjou
Et la lune en quartiers pour Cartier, des bijoux
Les romantiques
Ils mettaient des tapis sous les pattes du vent
Ils accrochaient du crêpe aux voiles du printemps
Les romantiques
Ils vendaient le Brésil en prenant leur café
Et mouraient de plaisir pour ouvrir un baiser
Et regarder dedans briller le verbe "aimer"
Et le mettre au présent bien qu'il fût au passé
Ils ont le mal du siècle et l'ont jusqu'à cent ans
Autrefois de ce mal, ils mouraient à 30 ans
Les romantiques
Ils ont le cheveu court et vont chez Dorian Guy
S'habiller de British ou d'Italiâneries
Les romantiques
Ils mettent leurs chevaux dans le camp des Jaguar
En fauchant leur avoine aux prairies des trottoirs
Avec des bruits de fers qui n'ont plus de sabots
Et des hennissements traduits en "stéréo"
Ils mettaient la Nature au pied de leurs chansons
Ils mettent leur voiture au pied de leurs maisons
Les romantiques
Ils regardaient la nuit dans un chagrin d'enfant
Ils regardent l'ennui sur un petit écran
Les romantiques
Ils recevaient chez eux dans les soirs de misère
Des gens "vêtus de noir" qu'ils prenaient pour leurs frères
Aujourd'hui, c'est pareil, mais fraternellement
Ils branchent leur destin
Aux abonnés absents



                

La mer qui vient et puis qui va
La nuit qui fait gris tous les chats
Le jour qui traîne comme un chien
A la recherche de ton bien
Le pape qui prend le Boeing
Le gangster qui prend les sterling
L'auto qui rate son effet
L'avion qui n'arrive jamais
C'est la vie
La vierge qui attend l'amant
La putain qui vend ses serments
L'oiseau qui trouve son manger
A la barbe du boulanger
La loi qui met les gens au trou
Et celle qui te prend tes sous
La grève qui n'a rien donné
Le ministre dans le fumier
C'est la vie
Les fruits que nous ne cueillons plus
Et le silence qui s'est tu
Les armes qui sont défendues
Les uniformes de la rue
Les urnes de la connerie
Les plébiscites qui nous plient
Le Tyran qui mourra demain
Les pissenlits des lendemains
C'est la vie
Les jeunes que l'on dit perdus
Les parents qui ne parent plus
Les affections qu'on va faucher
Dans le champ des bars Elysées




                


Tu paieras ta télévision Avec tes Gauloises manquées Tu paieras ton lapin-vison A la Sociale Sécurité T’enverras des fleurs à ta mère Avec le reste de tes soucis Tu mettras de l’eau dans ton verre Le vin ça fout la maladie Mais faut jamais, même en rêve Faut jamais faire la grève... Tu pass’ras une fois par mois Prier Notre Dame des petits fours Si par hasard tu n’as plus d’croix On te filera une croix d’secours La prière ça monte tout droit Comme la fumée des hauts-fourneaux A moins qu’y ait l’vent qui passe par là Alors... alors t’as prié pour la peau Mais faut jamais, même en rêve Faut jamais faire la grève... T’auras du foin chez ton tabac T’auras de l’avoine pour tes 2 Ch’vaux En disant comme les Auvergnats C’est Shell que j’aime pour mon bestiau Tu prendras ta femme dans tes bras Du moins c’qu’en ont laissé les gosses Que tu lui fais tous les dix mois Faut bien trente jours pour faire la noce Mais faut jamais, même en rêve Faut jamais faire la grève... Quand t’auras l’temps t’iras voter En montrant tes papiers d’souverain Pour envoyer ton député Faire les conn’ries qu’tu ferais bien Si par hasard on t’fait savoir Que le pain, le boulot, la liberté Se sont fait faire sur le trottoir Comme une gonzesse... t’auras gagné... Alors, des fois, même en rêve Tu pourrais p’t’êt’ faire la grève Alors, des fois, même en rêve Tu pourrais p’t’êt’ faire la grève



               


La nuit c'est ma copine
Depuis qu' tu l'as r'verdie
Rappell' toi " ma p'tite mine "
Ce bistrot de Paris
Où j't'ai pris' dans mes bras
Sans même te dire veux-tu
Ces chos's là ça s' dit pas
Ça s' fait... n'en parlons plus

On dit qu' la nuit est blanche
Quand on n'y voit qu' du noir
Au Bar Bac' y'avait Blanche
Qui nous vendait l' bonsoir...

La Sein' c'est notre Pernod
Nos yeux vont s'y soûler
C'est pas qu'on s' fout' à l'eau
Mais c'est bon d'y penser
Quand on est à chercher
Le pourquoi le comment
De nos vies embrassées
Autour d' tant d' boniments

On dit qu' la vie est rose
Quand on la voit comm' ça
Faut bien dir' quelque chose
Sinon on dirait quoi?

Quand on roul' dans la nuit
Comm' ça au pif-moi-ça
À chercher dans Paris
Des trucs et des javas
Moi je pense à la mer
Qui vient et puis qui va
Et j' me dis que sur Terre
On n' sait pas où l'on va

On dit qu' le ciel est bleu
Gagarine dit pas ça
Il dit qu' la terre est bleue
Allez savoir pourquoi?

On pass' nos nuits à l'as
En attendant quoi donc
Que tout passe et tout lasse
Comme dit la chanson
À Paris y' a du spleen
Qui pousse des pavés
Et c'est ça " ma p'tite mine "
Qu'on se tue à faucher

On dit qu'on broie du noir
Mais peut-êt' qu'on déconne
Et puis nos p'tit's histoires
Ça fait d' tort à personne...




               


Nous aurons du pain,
Doré comme les filles
Sous les soleils d'or.
Nous aurons du vin,
De celui qui pétille
Même quand il dort.
Nous aurons du sang
Dedans nos veines blanches
Et, le plus souvent,
Lundi sera dimanche.
Mais notre âge alors
Sera l'AGE D'OR.
Nous aurons des lits
Creusés comme des filles
Dans le sable fin.
Nous aurons des fruits,
Les mêmes qu'on grappille
Dans le champ voisin.
Nous aurons, bien sûr,
Dedans nos maisons blêmes,
Tous les becs d'azur
Qui là-haut se promènent.
Mais notre âge alors,
Sera l'AGE D'OR.
Nous aurons la mer
A deux pas de l'étoile.
Les jours de grand vent,
Nous aurons l'hiver
Avec une cigale
Dans ses cheveux blancs.
Nous aurons l'amour
Dedans tous nos problèmes
Et tous les discours
Finiront par "je t'aime"
Vienne, vienne alors,
Vienne l'AGE D'OR




              



Ça fait pas d’ politique Ça fait que d’ la musique Au fond des lits d’amour Ça se prend par la taille Ça plie comme la paille Quand les grains sont trop lourds Ça choisit des caresses Des caresses qui blessent Des caresses qui tuent Ça s’ tue tous les quarts d’heure C’est fou ce que les gens meurent Quand ils se disent "tu" Ça s’envoie des paroles Aussitôt qui s’envolent Comme les p’tits oiseaux Quelquefois ça s’engueule Ça se fout sur la gueule Et ça s’aime de nouveau Ça fait pas des affaires Ça n’ fait que des manières Au fond des lits d’amour Ça se prend, ça se quitte Ça s’ double et l’on est quitte Après la nuit, le jour Ça choisit des toilettes Des toilettes où l’on guette Un coin de paradis Quand ça part en voyage Ça traîne à chaque page Du feuilleton de la vie Ça s’envoie des outrages Et ça pleure et ça rage Et ça s’ quitte bons amis Quelquefois ça s’ regrette - Ôte donc voir ta voilette Que je te parle du pays Ça part dans les étoiles Pour un rien, ça cavale Dans des foutus endroits Quand ça r’tombe, ça rigole Quant aux ailes, ça s’ recolle Et ça sert plusieurs fois Ça choisit des ivresses Des ivresses qui laissent Un goût de revenez-y Ça y revient et ça tarde Au bout d’une cocarde Accrochée à la nuit Ça s’envoie des promesses Des promesses qui cessent Dès que tourne le vent Tout juste si ça dure Huit à seize mesures La chanson des amants





 
                

La cigarette sans cravate
Qu'on fume à l'aube démocrate
Et le remords des cous-de-jatte
Avec la peur qui tend la patte
Le ministère de ce prêtre
Et la pitié à la fenêtre
Et le client qui n'a peut-être
Ni Dieu Ni Maître
Le fardeau blême qu'on emballe
Comme un paquet vers les étoiles
Qui tombent froides sur la dalle
Et cette rose sans pétales
Cet avocat à la serviette
Cette aube qui met la voilette
Pour des larmes qui n'ont peut-être
Ni Dieu Ni Maître
Ces bois que l'on dit de justice
Et qui poussent dans les supplices
Et pour meubler le sacrifice
Avec le sapin de service
Cette procédure qui guette
Ceux que la société rejette
Sous prétexte qu'ils n'ont peut-être
Ni Dieu Ni Maître
Cette parole d'Évangile
Qui fait plier les imbéciles
Et qui met dans l'horreur civile
De la noblesse et puis du style
Ce cri qui n'a pas la rosette
Cette parole de prophète
Je la revendique et vous souhaite
Ni Dieu Ni Maître
Ni Dieu Ni Maître
Ça sert à rien de redire ce que je dis parce que
Vous savez, ils ont tous des dieux, par vous, parce que vous êtes intelligents
Vous avez pas un art comme moi
Ils ont tous des dieux et maitres, lis ne demandent que ça
Alors, merde
C'est vrai, c'est dégueulasse hein





               

Monsieur Barclay m'a demandé :
Léo Ferré, j' veux un succès
Afin qu' je puisse promotionner
A Europe 1 et chez Fontaine
Et chez Lourrier et chez Dufresne
Et moi, pas con
J'ai répondu :
Voilà patron
Ce que j'ai pondu !

Yes, yes, boum, bye
Tira me la gamba
Tira me la gamba
Yes, yes, boum, bye
Tira me la gamba
Sul tramvaye

Monsieur Barclay m'a signifié :
Léo Ferré on met l' paquet, tira me la gamba
Afin qu' je puisse, tira me la gamba
Bien matraquer
A Europe 1 et chez Fontaine
Et chez Lourier et chez Dufrêne
Et moi pas fou
Du tac au tac
J'ai dit mon loup
V'là ta matraque

Yes, yes, boum, bye
Tira me la gamba
Tira me la gamba
Yes, yes, boum, bye
Tira me la gamba
Sul tramaye

Monsieur Barclay m'a dit : Mon cher
Léo Ferré, ça n' vaut pas cher
Tira me la gamba
Mais si tu m' fais
Tira me la gamba
Un beau succès
Pour Europe 1 et pour Fontaine
Et pour Lourier et pour Dufrêne
Chuis pas salaud et pour la peine
J' vendrai Rimbaud avec Verlaine

Yes, but can I ?
T'auras de la samba
T'auras de la samba
Yes, but can I ?
T'auras de la samba
Ma fin d' bail
Ma fin d' bail




                 


Souviens-toi des souliers usés, des vendredis Et l' poisson qui s' rendait sur la table à midi Et qu'il marchait tout seul, qu'il n'était pas poli Frais ou pas le maquereau faut qu' ça fass' des chichis Souviens-toi des jeudis et de la mèr' Larousse Le frangin à rabat comme un flic à tes trousses Et ta plum' qui grattait sous l'œil de ce bandit Qu'une certaine envie mettait à ta merci L'enfance C'est un chagrin cueilli de frais C'est un jardin, c'est un bouquet C'est des épin's aussi C'est l' Paradis dans du cambouis C'est des caress's au fond d' la nuit C'est un' leçon d'ennui C'est des copains qu'on a perdus C'est des p'tit's môm's qu'on n'a pas eues C'est un' chanson perdue C'est un jouet qui s'est arrêté C'est l'innocence rapiécée C'est toujours ça d' passé Souviens-toi des frangin's qu'avaient mêm' pas dix piges Dans la nuit retrouvée on jouait à s' fair' la pige Mêm' qu'ell's étaient girond's avec leurs yeux barrés Juste en d'ssous comme une ombre, comm' le fard du péché Souviens-toi des silenc's au fond des corridors Et ce halètement divin, j' l'entends encor, Et puis la nuit fidèle à s' rappeler ces trucs-là Et cett' foutue mémoir' qui me tient par le bras L'enfance C'est un pays plein de chansons C'est le remords de la raison C'est la folie aussi C'est l'enfer sous le tableau noir C'est Tahiti dans un dortoir C'est l'âme de la nuit C'est un oiseau qu'on a manqué C'est un chat qu'on a chahuté Et c'est la cruauté C'est jour après jour quitter l'ombre Et vers la proie et vers le nombre C'est apprendre à frapper Souviens-toi des bonbons et puis du pèr' Noël La toupie qui tournait qui tournait qui tournait Qui tour ... nait qui tour... nait qui tour... nait qui tour...

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