mardi 26 février 2019

LA BELLE CHANSON - LEO FERRE :Ma vieille pèlerine / le marché du poète / C'est le printemps / Richard / Comme à Ostende / La "the nana" / Quartier Latin / L'adieu / Avec le temps / Le vieux marin / Âme te souvient-il ? (Bobino) / Opus X....

LA BELLE CHANSON

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             LEO FERRE      Ma vieille pèlerine / le marché du poète / C'est le printemps....              

             


Ajoutée le 18 mars 2014

Ma vieille pèlerine / le marché du poète / C'est le printemps / Richard / Comme à Ostende / La "the nana" / Quartier Latin / L'adieu / Avec le temps / Le vieux marin / Âme te souvient-il ? (Bobino) / Opus X.



 La Vieille Pèlerine 

À l'âge où l'on met des blousons 
Moi, j'endossais ma vieille pèlerine 
Comme un berger vers ses moutons 
Et les bergères qu'il imagine 
Ma vieille pèlerine 

T'étais d'un drap à bon marché


D'un bleu lavande un peu passé 
Tu m'enveloppais comme une tendresse 
Dans le p'tit matin de ma jeunesse 
T'étais pas tissée par Boussac 
J'ai même pas une photo Kodak 
Pour leur faire voir comment j'étais 
Quand tu m'emmi- m'emmitouflais 
Ma vieille pèlerine {x2} 


À l'âge où on roule en scooter 
Moi, j'enfourchais ma vieille bécane 
Une pas jojo, une qu'avait l'air 
D'avoir le guidon en oreille d'âne 

Ma vieille bécane 

T'étais d'un acier d'à peu près 
Avec d' la rouille dans les trous d' nez 
Tu promettais des découvertes 
Au bout d' la rue à peine ouverte 
Sur les miracles du goudron 
Où s' traînaient les petits garçons 
Qu'on n' lavait que le samedi soir 
Encore fallait-il être bien noir 
Ma vieille bécane {x2} 

À l'âge où l'on fait des béguins 
Sans qu' ça vous coûte le moindre sou 

Moi, j' caressais le p'tit lapin 
Que j' trouvais à mes rendez-vous 
Mon p'tit lapin 

T'étais tout gris comme l'illusion 
Quand l'illusion a changé d' nom 
Et qu'elle s'allume comme une tristesse 
Sous la vérité qui nous blesse 
T'avais même pas d' quoi réchauffer 
Mon p'tit cœur qui battait l' pavé 
Ni rien, ni serments, ni blasphèmes 
Ni rien, nul espoir et pas même 
Ma vieille pèlerine {x2}


 Le marche du poète
Quand ma femme part au marché, je lui dis de m'ram'ner
Des Celtiques au prix marqué afin d'fumer taxé
Un peu d'sucre, un peu d'farine pour faire la pâte très
fine
Raviolis, spaghettis et gnocchis et capelletis
Quand ma femme rentre du marché, elle me sort de tous ses
paquets
Un cigare de Mexico, gros comme un cachalot
Un hibou nommé Tom Black, un œuf de l'Île de Pâques
Du shampooing pour les mains, du suspens et du linge à
pinces

Alors elle m'dit "Mon p'tit chéri, v'là ta part d' poésie
Dans mon panier, y'a des idées qu't'as plus qu'à ramasser"
Des oranges au canard, de l'étrange, du bizarre
Bref, c'qui a d'chouette, prends ta plume, mon Pierrot
Que j'allume ton flambeau à chansonnettes

Quand ma femme va chez l'coiffeur, j'lui dis "Fais-moi une
fleur
Ramène-moi du sent-y-bon, du bath, du pas trop con
De celui qui s'fait's'retourner, les snobs et les mousmés
Du Carven, du Patou, de l'obscène et du passe-partout"
Quand elle rentre de chez l'coiffeur, elle m'dit "Voilà,
mon cœur
De l'extrait d'fleur de Marie, tout c'qui a d'plus garanti
Des crayons pour faire des yeux aux larmes du pot-au-feu
De l'Arden, du Rubis et du Stein et tout c'qui s'essuie"

Alors, elle m'dit "Mon p'tit chéri, v'là ta part
d'patchouli
Dans ma forêt pour t'parfumer, t'as qu'à vaporiser
Du genièvre à tes lèvres, du chiendent pour tes dents
Bref, tout c'qu'y a d'nat', naturel, natürlich
Eau d'Javel pour les miches, c'est-y pas bath?"

Quand ma femme part au marché, je lui dis de m'ram'ner
Un pyjama genre Vichy, pour faire mon p'tit persil
Des voyages en cartes postales pour les cinglés d'la malle
Tahiti, côte d'Asie, Malaisie, mal assis aussi
Quand ma femme rentre du marché, elle me sort de tous ses
paquets
La liquette du Père Adam à s'foutre Eve sous la dent
Un chouette kaléidoscope à s'faire l'azur en stop
Voie Lactée écrémée, Galaxie et galette aussi

Alors elle m'dit "Mon p'tit chéri, v'là qu't'as Bardot,
vas-y
T'as d'quoi rêver, d'quoi gamberger quand tu n'm'as pas au
lit
Magazines où l'on vend des gamines pour un franc, bref,
rien qu'du toc
Du dodé, du doca, du caca, dodéca, l'phono débloque"

Quand ma femme part au shopping, je lui r'file mon planning
Des cravates pour mettre mon cou et ma p'tite tête de loup
Des machins, deux trois conneries pour meubler not' gourbi
Un Giotto, un Corot, un Pablo et un Picasso
Quand ma femme part au shopping, elle m'shoppe tout en
sterling
Les paluches parées d'un chèque, v'là que s'barrent nos
kopecks
Nos dollars dans l'machin chouette, nos florins chez Macbeth
Othello, mon coco, le roi Lear, c'est Shakespeare à dire!

Alors, elle m'dit "T'as pas fini d'écrire des idioties?
J'connais Isou et les zazous et l'écriture itou
Au pays de Descartes, les conneries s' foutent en cartes
Ou au quai Conti, t'es barré pour y aller à l'Acacadémie"
OK, mon p'tit! Tilala.

 C'est Le Printemps 
Y a la nature qu'est tout en sueur
Dans les hectares y a du bonheur

C'est l'printemps

Y a des lilas qu'ont même plus l'temps
De s'faire tout mauves ou bien tout blancs

C'est l'printemps

Y a du blé qui s'fait du mouron
Les oiseaux eux ils disent pas non

C'est l'printemps

y a nos chagrins qu'ont des couleurs
Y a même du printemps chez l'malheur

Y a la mer qui s'prend pour Monet
Ou pour Gauguin ou pour Manet

C'est l'printemps

Y a des nuages qui n'ont plus d'quoi
On dirait d'la barbe à papa

C'est l'printemps

Y a l'vent du nord qu'a pris l'accent
Avec Mistral il passe son temps

C'est l'printemps

Y a la pluie qu'est passée chez Dior
Pour s'payer l'modèle Soleil d'Or

Y a la route qui s'fait nationale
Et des fourmis qui s'font la malle

C'est l'printemps

Y a d'la luzerne au fond des lits
Et puis l'faucheur qui lui sourit

C'est l'printemps

Y a des souris qui s'font les dents
Sur les matous par conséquent

C'est l'printemps

Y a des voix d'or dans un seul cri
C'est la Sixtine qui sort la nuit

Y a la nature qui s'tape un bol
A la santé du rossignol

C'est l'printemps

Y a l'beaujolais qui la ramène
Et Mimi qui s'prend pour Carmen

C'est l'printemps

Y a l'île Saint-Louis qui rentre en Seine
Et puis Paris qui s'y promène

C'est l'printemps

Y a l'été qui s'pointe dans la rue
Et des ballots qui n'ont pas vu

Qu'c'était l'printemps

 Richard 

Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles 
A certaines heures pâles de la nuit 
Près d´une machine à sous, avec des problèmes d´hommes simplement 
Des problèmes de mélancolie 
Alors, on boit un verre, en regardant loin derrière la glace du comptoir 
Et l´on se dit qu´il est bien tard... 
Richard, ça va? 

Nous avons eu nos nuits comme ça moi et moi 
Accoudés à ce bar devant la bière allemande 
Quand je nous y revois des fois je me demande 
Si les copains de ces temps-là vivaient parfois 


Richard, ça va? 

Si les copains cassaient leur âme à tant presser 
Le citron de la nuit dans les brumes pernod 
Si les filles prenaient le temps de dire un mot 
A cette nuit qui les tenait qui les berçait 
Richard, ça va? 

A cette nuit comme une sœur de charité 
Longue robe traînant sur leurs pas de bravade 
Caressant de l´ourlet les pâles camarades 
Qui venaient pour causer de rien ou d´amitié 
Nous avons eu nos nuits... 

Richard eh! Richard! 


Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles 
A certaines heures pâles de la nuit 
Près d´une machine à sous avec des problèmes d´hommes, simplement 
Des problèmes de mélancolie 
Alors on boit un verre en regardant loin derrière la glace du comptoir 
Et l´on se dit qu´il est bien tard... 

Richard! encore un p´tit pour la route? 
Richard! encore un p´tit pour la route? 
Eh! m´sieur Richard encore un p´tit pour la route? 
Allons! Richard... Richard... encore un p´tit!

 Comme à Ostende
On voyait les chevaux d'la mer
Qui fonçaient la têt' la première
Et qui fracassaient leur crinière
Devant le casino désert
La barmaid avait dix-huit ans
Et moi qui suis vieux comm' l'hiver
Au lieu d'me noyer dans un verr'
Je m'suis baladé dans l'printemps
De ses yeux taillés en amande

Ni gris ni verts, ni gris ni verts
Comme à Ostende et comm' partout
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu'on s'demande si c'est utile
Et puis surtout si ça vaut l'coup
Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie

J'suis parti vers ma destinée
Mais voilà qu'une odeur de bière
De frites et de moul's marinières
M'attir' dans un estaminet
Là y avait des typ's qui buvaient
Des rigolos des tout rougeauds
Qui s'esclaffaient qui parlaient haut
Et la bière on vous la servait
Bien avant qu'on en redemande

Oui ça pleuvait, oui ça pleuvait
Comme à Ostende et comm' partout
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu'on s'demande si c'est utile
Et puis surtout si ça vaut l'coup
Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie

On est allé, bras d'ssus, bras d'ssous
Dans l'quartier où y a des vitrines
Remplies de présenc's féminines
Qu'on veut s'payer quand on est sôul
Mais voilà que tout au bout d'la rue
Est arrivé un limonair'
Avec un vieil air du tonnerr'
A vous fair' chialer tant et plus
Si bien que tous les gars d'la bande

Se sont perdus, se sont perdus
Comme à Ostende et comm' partout
Quand sur la ville tombe la pluie
Et qu'on s'demande si c'est utile
Et puis surtout si ça vaut l'coup
Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie

the nana

La "the nana" 
C'est dans la voix et dans le geste 
La "the nana" 
C'est the nana avec un zeste 
La "the nana" 

Quant à la jupe à ras l' bonbon 
La "the nana" 
C'est pas compliqué mais c'est bon 
La "the nana" 
Que ça vous mate ou qu' ça vous touche 
La "the nana" 
C'est l'eau courante au fond d' la bouche 
La "the nana" 
Et quand ça vous r'file un' galoche 

La "the nana" 
Tu joues complet dans ton cinoche 

La "the nana" 
C'est dans la taille et dans le faste 
La "the nana" 
C'est the nana et puis c'est baste 
La "the nana" 
Quant à chômer devant son cul 


La "the nana" 
Les chômeurs ça court pas les rues 
La "the nana" 
Que ça se traîne ou qu' ça s' trimballe 
La "the nana" 
Au septième ciel tu fais tes malles 
La "the nana" 
Et tu lui red'mand's un ticket 
La "the nana" 
Pour t'emballer au bout du quai 

La "the nana" 
C'est du jasmin sous un' guenille 
La "the nana" 
Du cousu-main en espadrilles 
La "the nana" 
C'est un' prison dans sa bastille 
La "the nana" 

C'est du vison en haut des quilles 
La "the nana" 
Quand ça t'emballe au bout d' la rue 
La "the nana" 
Ça t' fait marron et ça t' lâche plus 
La "the nana" 
Quand ça vient lire au fond du paje 
La "the nana 
T' as mêm' plus l' temps d' tourner les pages 

La "the nana" 
C'est des baisers c'est des caresses 
La "the nana" 
A t' défoncer le tiroir-caisse 
La "the nana" 
C'est d' la panthère qu' on t' sert en tasse 
La "the nana" 
Faut laisser faire et puis ça passe 

La "the nana" 
C'est comme un ange qu' aurait pas d'ailes 
La "the nana" 
C'est un jouet au bout d'une ficelle 
La "the nana" 
C'est un chagrin qui va tout nu 
La "the nana" 
C'est un cri perdu dans la rue 

La "the nana" 
C'est dans la voix et dans le geste 
La "the nana" 
C'est the nana avec un zeste 
La "the nana" 
Quant à la jupe à ras l' bonbon 
La "the nana" 
C'est pas qu' c'est gagné... mais c'est bon...




 Quartier latin


Ce quartier
Qui résonne
Dans ma tête
Ce passé
Qui me sonne
Et me guette
Ce Boul' Mich'
Qu'a d'la ligne
En automne
Ces sandwichs
Qui s'alignent
Monotones
Quartier latin
Quartier latin
Quartier latin
Chez Dupont
Ça traînait
La journée
C'était l'pont
Qui durait
Tout' l'année
L'examen
Ça tombait
Comme un' tête
Au matin
Sans chiqué
Ni trompettes
Quartier latin
Quartier latin
Quartier latin
Cett' frangine
Qui vendait
Sa bohème
Et ce spleen
Qui traînait
Dans sa traîne
J'avais rien
Ni regrets
Ni principes
Les putains
Ça m'prenait
Comm' la grippe
Quartier latin
Quartier latin
Quartier latin
Ce vieux prof
Qui parlait
A son aise
Très bien, sauf
Que c'était
Pour les chaises
Aujourd'hui
Un diplôme
Ça s'rupine
Aux amphis
Tu point's comme
A l'usine
Quartier latin
Quartier latin
Quartier latin
Les années
Ça dépasse
Comme une ombre
Le passé
Ça repasse
Et tu sombres
Rue Soufflot
Les vitrines
Font la gueule
Sans un mot
J'me débine
J'ferm' ma gueule
Je r'trouv' plus rien
Tell'ment c'est loin
L'Quartier latin

Adieu par Léo Ferre


L’automne déjà ! - Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, - loin des gens qui meurent sur les saisons. 

L’automne. Notre barque élevée dans les brumes immobiles tourne vers le port de la misère, la cité énorme au ciel taché de feu et de boue. Ah ! les haillons pourris, le pain trempé de pluie, l’ivresse, les mille amours qui m’ont crucifié ! Elle ne finira donc point cette goule reine de millions d’âmes et de corps morts et qui seront jugés ! Je me revois la peau rongée par la boue et la peste, des vers plein les cheveux et les aisselles et encore de plus gros vers dans le coeur, étendu parmi les inconnus sans âge, sans sentiment… J’aurais pu y mourir… L’affreuse évocation ! J’exècre la misère. 

Et je redoute l’hiver parce que c’est la saison du confort ! 

- Quelquefois je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie. Un grand vaisseau d’or, au-dessus de moi, agite ses pavillons multicolores sous les brises du matin. J’ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d’artiste et de conteur emportée ! 

Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan ! 


Suis-je trompé ? la charité serait-elle soeur de la mort, pour moi ? 

Enfin, je demanderai pardon pour m’être nourri de mensonge. Et allons. 

Mais pas une main amie ! et où puiser le secours ? 

——— 

Oui l’heure nouvelle est au moins très-sévère. 

Car je puis dire que la victoire m’est acquise : les grincements de dents, les sifflements de feu, les soupirs empestés se modèrent. Tous les souvenirs immondes s’effacent. Mes derniers regrets détalent, — des jalousies pour les mendiants, les brigands, les amis de la mort, les arriérés de toutes sortes. — Damnés, si je me vengeais ! 

Il faut être absolument moderne. 

Point de cantiques : tenir le pas gagné. Dure nuit ! le sang séché fume sur ma face, et je n’ai rien derrière moi, que cet horrible arbrisseau !… Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. 

Cependant c’est la veille. Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes. 

Que parlais-je de main amie ! Un bel avantage, c’est que je puis rire des vieilles amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs, — j’ai vu l’enfer des femmes là-bas ; — et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps. 


avril-août, 1873.

Avec Le Temps 


Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
On oublie le visag' et l'on oublie la voix
Le coeur quand ça bat plus c'est pas la pein' d'aller
Chercher plus loin faut laisser fair' et c'est très bien
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
L'autre qu'on adorait qu'on cherchait sous la pluie
L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
Entre les mots entre les lign's et sous le fard
D'un serment maquillé qui s'en va fair' sa nuit
Avec le temps tout s'évanouit


Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
Mêm' les plus chouett's souv'nirs ça t'as un' de ces gueul's
A la Gal'rie j'Farfouill' dans les rayons d' la mort
Le samedi soir quand la tendress' s'en va tout' seule
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va

L'autre à qui l'on croyait pour un rhum' pour un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s' traînait comme traînent les chiens
Avec le temps va tout va bien


Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
On oublie les passions et l'on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard surtout ne prend pas froid
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues

Alors vraiment
Avec le temps ... on n'aime plus.

Le vieux marin

PAROLES ET MUSIQUE DE LÉO FERRÉ
La mer est allée chercher fortune
Là-bas sous les jupons de la lune
Et moi qui ne suit qu'un pauvre oiseau
Mouette ou goéland gigolo
Je crie qu'elle revienne bientôt
Mouiller tous ces calmes matelots
Figé dans leur statut de bateau
Tout gris de la marée de tantôt
J'ai mon tabac
J' suis d'la sécurité
J' paye pas d'impôts
L'hiver j'met mon chandail
J' biche
J' fous rien
La vie c'est comm' la mer retirée
Au loin comme le dit l' calendrier
Vraiment y'aurait de quoi bien s' marrer
Petit si elle revenait jamais
Partout parmi les algues et le sable
Il y a un tout petit coin de table
Et toi qui n'est pourtant pas méchant
Tu trouves des coquillages enfants
J' mange pas d' poisson
Vu qu' c'est lourd pour mézigue
J' suis bien
Quand j'embarquais
J'avais mon litr' de rhum
Ton coeur c'est comme une vague indomptée
Qui plie sous le chagrin d'une fée
Qui fait une scène au vent du nord
Qui sort avec une voile loin du port
Et là dans un café d'horizon
Tu bois quelques coups à ta façon
Et verse une ou deux larmes d'écumes
Et plumes une voile de plus dans la brume
Quand j' partirais
J' mettrais mon duffle-coat
Mazette
Et c' bon dieu d' merde
Qui m' laisse pourrir à terre
Salaud

 Âme, te souvient-il ?
Âme, te souvient-il, au fond du paradis,
De le gare d'Auteuil et des trains de jadis
T'amenant chaque jour, venus de la Chapelle?
Jadis déjà! Combien pourtant je me rappelle

Après les premiers mots de bonjour et d'accueil,
Mon vieux bras dans le tien, nous quittions cet Auteuil
Et, sous les arbres pleins d'une gente musique,
Notre entretien était souvent métaphysique.

Ô tes forts arguments, ta foi du charbonnier!
Non sans quelque tendance, ô si franche! à nier,
Mais si vite quittée au premier pas du doute!
Et puis nous rentrions, plus que lents, par la route
Un peu des écoliers, chez moi, chez nous plutôt,
Y déjeuner de rien, fumailler vite et tôt,
Et dépêcher longtemps une vague besogne.

Mon pauvre enfant, ta voix dans le bois de Boulogne!

Léo Ferré - Opus X,



il y a 10 ans|581 vues
"Cette pièce pour piano figurait parmi les enregistrements du compositeur sans aucune indication de titre. Léo Ferré à l'instant de sa "création" pensait-il à une texte en particulier ? Cela restera à jamais une énigme. Cette oeuvre est en tout cas significative du talent exceptionnel du mélodiste qui caractérise et distingue à jamais toute l'œuvre de Léo Ferré." 

"Un jour une jeune gars qui grattait la guitare dans la rue m'interpelle : "Eh, Ferré ! Tu te fais payer pour chanter, alors tu es dans le système?" Je lui ai répondu : "Oui, dans le système solaire. Et toi, tu fais la manche ? - Ben oui... - Petite ordure ! et le mec qui te donne cent balles, dans quel système il est ?"

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