vendredi 9 octobre 2020

Le lit par Léo Ferré





 Le lit par Léo Ferré 

Cette antichambre du tombeau où froissent comme des
drapeaux
Les draps glacés par la tempête
Ce tabernacle du plaisir avec la porte du désir
Battant sur l'ennui de la fête
Cette horizontale façon de mettre le coeur à raison
Et le reste dans l'habitude
Et cette pâleur qu'on lui doit, dès que l'on emmêle nos
doigts
Pour la dernière solitude

Le lit, fait de toile ou de plume, le lit, quand le rêve
s'allume

Cette maison du rêve clos sur le grabat, dans le berceau
Au point du jour ou de Venise
Cette fraternité de nuit qui peut assembler dans un lit
L'intelligence et la bêtise
Qu'il soit de paille ou bien de soie, pour le soldat ou pour
le roi
Pour la putain ou la misère
Qu'il soit carré, qu'il soit défait, qu'importe lorsque
l'on y fait
Autre chose que la prière

Le lit, enfer pavé de roses, le lit, quand la mort se
repose

Qu'il soit de marbre ou de sapin, quant au lit qui sera le
mien
Dans le néant ou la lumière
Je veux qu'on ne le fasse point et qu'on y laisse un petit
coin
Pour un ami que j'ai sur Terre
Cet ami que je laisserai, quand il me faudra dételer
Pour l'aventure ou la poussière
Ce frère de mes longues nuits et que l'on appelle l'ennui
Au fond du lit des solitaires

Le lit, quand s'endort le mystère, sans bruit, dans la vie
passagère.
Album : L'Essentiel des albums studio 1960-1974

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