samedi 17 octobre 2020

Léo Ferré : L'Affiche rouge (Aragon)







L'Affiche Rouge

Léo Ferré

Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes

Ni l'orgue ni la prièr' aux agonisants

Onze ans déjà que cela passe vit' onz' ans

Vous vous étiez servis simplement de vos armes

La mort n'eblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes

Noirs de barbe et de nuits hirsutes menaçants

L'affiche qui semblait une tache de sang

Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles

Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence

Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant

Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants

Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre

A la fin février pour vos derniers moments

Et c'est alors que l'un de vous dit calmement

Bonheur à tous bonheur à ceux qui vont survivre

Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir adieu les roses

Adieu la vie adieu la lumière et le vent

Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent

Toi qui va demeurer dans la beauté des choses

Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline

Que la nature est belle est que le coeur me fend

La justice viendra sur nos pas triomphants

Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline

Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent

Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir

Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

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