dimanche 17 avril 2016

POESIE et CHANSON : Léo Ferré - Il n'y a plus rien !!

POESIE et CHANSON

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                Léo Ferré - Il n'y a plus rien !!

                

Léo Ferré

Il N'y A Plus Rien

Il N'y A Plus Rien

 Label :     Barclay
 Sortie :    1973
 Format :  Album / CD  Vinyle   

"Ecoute, écoute... Dans le silence de la mer, il y a comme un balancement maudit qui vous met le coeur à l'heure, avec le sable qui se remonte un peu, comme les vieilles putes qui remontent leur peau, qui tirent la couverture."

Paru en 1973, Il N'y A Plus Rien de Léo Ferre n'a été réédité qu'il y a peu de temps dans sa version originale, qu'en 2005 plus exactement.

FERRE
Il a chanté Paris.
Il a chanté Les Chansons interdites.
Il a chanté Aragon, Verlaine & Rimbaud.
Il a chanté "Ni Dieu ni Maître".
Il a chanté L'Eté 68.
Il a chanté Amour/Anarchie.
Il a chanté accompagné par le groupe Zoo pour sa période électrique.
Il a chanté accompagné par un orchestre symphonique avec des chœurs dans La Chanson du Mal-Aimé.
1973: Disque Choc.
Ici Ferré ne chante plus mais dit le texte, il s'est tourné vers un surréalisme vénéneux, vers sa copine la mort, et la mélancolie des soiffards noctambules. L'amour est en congé, et du chant des baleines monte un désespoir convulsif. Une expérience violente, fascinante et unique, comment résister à ça: "L'immobilité, ça dérange le siècle. C'est un peu le sourire de la vitesse, et ça sourit pas lerche, la vitesse, en ces temps" ou ça "Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir !".

Sur une partition flottante, bande originale d'une HENAURME gerbe, le poète de la révolte nous entraîne dans une œuvre d'une force et d'une intelligence inégalables et l'on plonge avec lui dans cette musique du verbe où l'invention tutoie la claque dans la tronche:
"Quand tu rentreras chez toi Pourquoi chez toi ? Quand tu rentreras dans ta boîte, rue d'Alésia ou du Faubourg Si tu trouves quelqu'un qui dort dans ton lit, Si tu y trouves quelqu'un qui dort Alors va-t-en, dans le matin clairet Seul Te marie pas Si c'est ta femme qui est là, réveille-la de sa mort imagée Fous-lui une baffe, comme à une qui aurait une syncope ou une crise de nerfs... Tu pourras lui dire :"T'as pas honte de t'assumer comme ça dans ta liquide sénescence. Dis, t'as pas honte ? Alors qu'il y a quatre-vingt-dix mille espèces de fleurs ? Espèce de conne ! Et barre-toi ! Divorce-la Te marie pas !".
Avec lui le poète devient sans-papiers, anarchiste, insurgé fraternel et misanthrope, adepte du lyrisme ET de l'argot: "Je suis un nègre blanc qui mange du cirage Parce qu'il se fait chier à être blanc, ce nègre, Il en a marre qu'on lui dise: " Sale blanc !"" ou "Si jamais tu t'aperçois que ta révolte s'encroûte et devient une habituelle révolte, alors, Sors Marche Crève Baise Aime enfin...".
Moi qui ai passé des nuits entières, entre vin chaud et épice parfumée, à écouter cette litanie qui m'a écorché la peau du cerveau, j'ai trouvé ici des expressions toutes faites magnifiques qui me sortent encore de la bouche: "Invente des formules de nuit: CLN... C'est la nuit ! Même au soleil, surtout au soleil, c'est la nuit" ou encore "Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir".
Il a enfoncé le couteau dans la plaie béante de l'imbécillité humaine et ça c'est une musique aussi: "Je me demande comment et pourquoi la Nature met Tant d'entêtement, Tant d'adresse Et tant d'indifférence biologique A faire que vos fils ressemblent à ce point à leurs pères" ou "Vous faites mentir les miroirs Vous êtes puissants au point de vous refléter tels que vous êtes".
Mais, au bout de la route du désespoir, une lueur que ces vers constituent, pour les hommes libres qui demeurent ses frères, un manifeste de l'esperance : "Il n'y a plus rien Et ce rien, on vous le laisse ! Foutez-vous en jusque-là, si vous pouvez, Nous, on peut pas. Un jour, dans dix mille ans, Quand vous ne serez plus là, Nous aurons TOUT Rien de vous Tout de nous Nous aurons eu le temps d'inventer la Vie, la Beauté, la Jeunesse, Les Larmes qui brilleront comme des émeraudes dans les yeux des filles, Le sourire des bêtes enfin détraquées, La priorité à Gauche, permettez ! Nous ne mourrons plus de rien Nous vivrons de tout Et les microbes de la connerie que nous n'aurez pas manqué de nous léguer, montant De vos fumures De vos livres engrangés dans vos silothèques De vos documents publics De vos réglements d'administration pénitenciaire De vos décrets De vos prières, même, Tous ces microbes judidico-pantoufles Soyez tranquilles, Nous aurons déjà des machines pour les révoquer NOUS AURONS TOUT Dans dix mille ans".
Mais il y a aussi Richard:
"Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles
A certaines heures pâles de la nuit
Près d'une machine à sous, avec des problèmes d'hommes, simplement,
Des problèmes de mélancolie
Alors, on boit un verre, en regardant loin derrière la glace du comptoir
Et l'on se dit qu'il est bien tard... Richard, ça va ?"

OUI ce disque est plus un livre à écouter qu'une musique à danser.
OUI ici c'est la liberté en danger qui est en jeu.
Oui Léo Ferré a coupé toutes les amarres pour illico s'en inventer d'autres immédiatement perverties par l'amour, ce truc de soie et de satin qui fait que les chaînes n'en sont plus. Le seul luxe véritable qui soit le sien, c'est sa totale INDEPENDANCE, qui demeure bien sûr ce qu'il y a de plus onéreux, qu'il défendra avec juste raison jusqu'au bout, jusqu'à sa mort en 1993.
(PS : les textes entre guillemets sont tous tirés du morceau "Il N'y A Plus Rien" 16 mn de fracas intérieur)

Il n'y a plus rien

Écoute, écoute...
Dans le silence de la mer, il y a comme un balancement maudit qui vous met le cœur à l'heure, avec le sable qui se remonte un peu, comme les vieilles putes qui remontent leur peau, qui tirent la couverture.
Immobile... L' immobilité, ça dérange le siècle.
C'est un peu le sourire de la vitesse, et ça sourit pas lerche, la Vitesse, en ces temps.
Les amants de la mer s'en vont en Bretagne ou à Tahiti...
C'est vraiment con, les amants.
 Il n'y a plus rien
Camarade maudit, camarade misère...
Misère, c'était le nom de ma chienne qui n'avait que Trois pattes.
L'autre, le destin la lui avait mise de côté pour les Olympiades de la bouffe et des culs semestriels qu'elle accrochait dans les buissons pour y aller de sa progéniture.
Elle est partie, Misère, dans des chaos, quelque part dans la nuit des chiens.
Camarade tranquille, camarade prospère,
Quand tu rentreras chez toi
Pourquoi chez toi ?
Quand tu rentreras dans ta boîte, rue d'Alésia ou du Faubourg
Si tu trouves quelqu'un dans ton lit,
Si tu y trouves quelqu'un qui dort
Alors va-t'en, dans le matin clairet
Seul
Te marie pas
Si c'est ta femme qui est là, réveille-la de sa mort imagée
Fous-lui une baffe, comme à une qui aurait une syncope ou une crise de nerfs...
Tu pourras lui dire : Dis, t'as pas honte de t'assumer comme ça dans ta liquide sénescence
Dis, t'as pas honte ? Alors qu'il y a quatre-vingt-dix mille espèces de fleurs ?
Espèce de conne !
Et barre-toi !
Divorce-la !
Te marie pas !
Tu peux tout faire :
T'empaqueter dans le désordre, pour l'honneur, pour la conservation du titre...
Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir !
Il n'y a plus rien
Je suis un nègre blanc qui mange du cirage
Parce qu'il se fait chier à être blanc, ce nègre,
Il en a marre qu'on lui dise : « Sale blanc ! »
À Marseille, la sardine qui bouche le port
Était bourrée d'héroïne
Et les hommes-grenouilles n'en sont pas revenus...
Libérez les sardines
Et y'aura plus de mareyeurs
Si tu savais ce que je sais
On te montrerait du doigt dans la rue
Alors il vaut mieux que tu ne saches rien
Comme ça, au moins, tu es peinard, anonyme, Citoyen !
Tu as droit, Citoyen, au minimum décent
À la publicité des enzymes et du charme
Au trafic des dollars et aux trafiquants d'armes
Qui traînent les journaux dans la boue et le sang
Tu as droit à ce bruit de la mer qui descend
Et si tu veux la prendre elle te fera du charme
Avec le vent au cul et des sextants d'alarme
Et la mer reviendra sans toi si tu es méchant
Les mots... toujours les mots, bien sûr !
Citoyens ! Aux armes !
Aux pépées, Citoyens ! À l'Amour, Citoyens !
Nous entrerons dans la carrière quand nous aurons cassé la gueule à nos aînés !
Les préfectures sont des monuments en airain... un coup d'aile d'oiseau ne les entame même pas...
C'est vous dire !
Nous ne sommes même plus des juifs allemands
Nous ne sommes plus rien
Il n'y a plus rien
Des futals bien coupés sur lesquels lorgnent les gosses; certes !
Des poitrines occupées
Des ventres vacants
Arrange-toi avec ça !
Le sourire de ceux qui font chauffer leur gamelle sur les plages reconverties et démoustiquées C'est-à-dire en enfer, là où Dieu met ses lunettes noires pour ne pas risquer d'être reconnu par ses admirateurs
Dieu est une idole, aussi
Sous les pavés, il n'y a plus la plage
Il y'a l'enfer et la Sécurité
Notre vraie vie n'est pas ailleurs, elle est ici
Nous sommes au monde, on nous l'a assez dit
N'en déplaise à la littérature
Les mots, nous leur mettons des masques, un bâillon sur la tronche
A l'encyclopédie, les mots !
Et nous partons avec nos cris !
Et voilà !
Il n'y a plus rien... plus, plus rien
Je suis un chien ?
Perhaps!
Je suis un rat
Rien
Avec le cœur battant jusqu'à la dernière battue
Nous arrivons avec nos accessoires pour faire le ménage dans la tête des gens :
"Apprends donc à te coucher tout nu ! "
"Fous en l'air tes pantoufles ! "
"Renverse tes chaises ! "
"Mange debout ! "
Assois-toi sur des tonnes d'inconvenances et montre-toi à la fenêtre en gueulant des gueulantes de principe
Si jamais tu t'aperçois que ta révolte s'encroûte et devient une habituelle révolte, alors,
Sors
Marche
Crève
Baise
Aime enfin les arbres, les bêtes et détourne-toi du conforme et de l'inconforme
Lâche ces notions, si ce sont des notions
Rien ne vaut la peine de rien
Il n'y a plus rien... plus, plus rien
Invente des formules de nuit: CLN... C'est la nuit !
Même au soleil, surtout au soleil, c'est la nuit
Tu peux crever... Les gens ne retiendront même pas une de leurs inspirations.
Ils canaliseront sur toi leur air vicié en des regrets éternels puant le certificat d'études et le catéchisme ombilical.
C'est vraiment dégueulasse
Ils te tairont, les gens.
Les gens taisent l'autre, toujours.
Regarde, à table, quand ils mangent... Ils s'engouffrent dans l'innommé
Ils se dépassent eux-mêmes et s'en vont vers l'ordure et le rot ponctuel !
La ponctuation de l'absurde, c'est bien ce renversement des réacteurs abdominaux, comme à l'atterrissage : on rote et on arrête le massacre.
Sur les pistes de l'inconscient, il y a des balises baveuses toujours un peu se souvenant du frichti, de l'organe, du repu
Mes plus beaux souvenirs sont d'une autre planète
Où les bouchers vendaient de l'homme à la criée
Moi je suis de la race ferroviaire qui regarde passer les vaches
Si on ne mangeait pas les vaches, les moutons et les restes
Nous ne connaîtrions ni les vaches, ni les moutons, ni les restes...
Au bout du compte, on nous élève pour nous bequ'ter
Alors, becqu'tons !
Côte à l'os pour deux personnes, tu connais ?
Heureusement il y a le lit : un parking !
Tu viens, mon amour ?
Et puis, c'est comme à la roulette : on mise, on mise...
Si la roulette n'avait qu'un trou, on nous ferait miser quand même
D'ailleurs, c'est c'qu'on fait !
Je comprends les joueurs : ils ont trente-cinq chances de ne pas se faire mettre...
Et ils mettent, et ils mettent...
Le drame, dans le couple, c'est qu'on est deux
Et qu'il n'y a qu'un trou dans la roulette...
Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir
Te marie pas
Ne vote pas
Sinon t'es coincé
Elle était belle comme la Révolte
Nous l'avions dans les yeux, dans les bras, dans nos futals
Elle s'appelait l'Imagination
Elle dormait comme une morte, elle était comme morte
Elle sommeillait
On l'enterra de mémoire
Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du Martini, mon petit !
Transbahutez vos idées comme de la drogue...
Tu risques rien à la frontière
Rien dans les mains
Rien dans les poches
Tout dans la tronche !
- Vous n'avez rien à déclarer ?
- Non
- Comment vous nommez-vous ?
- Karl Marx.
- Allez, passez !
Nous partîmes... Nous étions une poignée...
Nous nous retrouverons bientôt démunis, seuls, avec nos projets dansle passé
Écoutez-les... Écoutez-les...
Ça râpe comme le vin nouveau
Nous partîmes... Nous étions une poignée
Bientôt ça débordera sur les trottoirs
La parlote ça n'est pas un détonateur suffisant
Le silence armé, c'est bien, mais il faut bien fermer sa gueule...
Toutes des concierges
Écoutez-les...
Il n'y a plus rien
Si les morts se levaient ?
Hein ?
Nos étions combien ?
Ça ira !
La tristesse, toujours la tristesse...
Ils chantaient, ils chantaient...
Dans les rues...
Te marie pas
Ceux de San Francisco, de Paris, de Milan
Et ceux de Mexico
Bras dessus bras dessous
Bien accrochés au rêve
Ne vote pas
Ô DC8 des Pélicans
Cigognes qui partent à l'heure
Labrador lèvre des bisons j'invente en bas des rennes bleus
En habit rouge du couchant
Je vais à l'Ouest de ma mémoire
Vers la Clarté vers la Clarté
Je m'éclaire la Nuit dans le noir de mes nerfs
Dans l'or de mes cheveux j'ai mis cent mille watts
Des circuits sont en panne dans le fond de ma viande
J'imagine le téléphone dans une lande
Celle où nous nous voyons moi et moi
Dans cette brume obscène au crépuscule teint
Je ne suis qu'un voyant embarrassé de signes
Mes circuits déconnectent
Je ne suis qu'un binaire
Mon fils, il faut lever le camp comme lève la pâte
Il est tôt Lève-toi Prends du vin pour la route
Dégaine-toi du rêve anxieux des bien assis
Roule Roule mon fils vers l'étoile idéale
Tu te rencontreras Tu te reconnaîtras
Ton dessin devant toi, tu rentreras dedans
La mue ça se fait à l'envers dans ce monde inventif
Tu reprendras ta voix de fille et chanteras Demain
Retourne tes yeux au-dedans de toi
Quand tu auras passé le mur du mur
Quand tu auras outrepassé ta vision
Alors tu verras « rien »
Il n'y a plus rien
Que les pères et les mères
Que ceux qui t'ont fait
Que ceux qui ont fait tous les autres
Que les « monsieur »
Que les « madame »
Que les « assis » dans les velours glacés, soumis, mollasses
Que ces horribles magasins roulants
Qui portent tout en devanture
Tous ceux à qui tu pourras dire :
Monsieur !
Madame !
Laissez donc ces gens-là tranquilles
Ces courbettes imaginées que vous leur inventez
Ces désespoirs soumis
Toute cette tristesse qui se lève le matin à heure fixe pour aller gagner VOS sous,
Avec les poumons resserrés
Les mains grandies par l'outrage et les bonnes mœurs
Les yeux défaits par les veilles soucieuses...
Et vous comptez vos sous ?
Pardon... LEURS sous !
Ce qui vous déshonore
C'est la propreté administrative, écologique dont vous tirez orgueil
Dans vos salles de bains climatisées
Dans vos bidets déserts
En vos miroirs menteurs...
Vous faites mentir les miroirs
Vous êtes puissants au point de vous refléter tels que vous êtes
Cravatés
Envisonnés
Empapaouatés de morgue et d'ennui dans l'eau verte qui descend des montagnes et que vous vous êtes arrangés pour soumettre
À un point donné
À heure fixe
Pour vos narcissiques partouzes.
Vous vous regardez et vous ne pouvez même plus vous reconnaître
Tellement vous êtes beaux
Et vous comptez vos sous
En long
En large
En marge
De ces salaires que vous lâchez avec précision
Avec parcimonie
J'allais dire « en douce » comme ces aquilons avant-coureurs et qui racontent les exploits du bol alimentaire, avec cet apparat vengeur et nivellateur qui vous empêche toute identification...
Je veux dire que pour exploiter votre prochain, vous êtes les champions de l'anonymat.
Les révolutions ? Parlons-en !
Je veux parler des révolutions qu'on peut encore montrer
Parce qu'elles vous servent
Parce qu'elles vous ont toujours servis,
Ces révolutions qui sont de « l'histoire »,
Parce que les « histoires » ça vous amuse, avant de vous intéresser,
Et quand ça vous intéresse, il est trop tard, on vous dit qu'il s'en prépare une autre.
Lorsque quelque chose d'inédit vous choque et vous gêne,
Vous vous arrangez la veille, toujours la veille, pour retenir un place
Dans un palace d'exilés, dans un pays sûr, entouré du prestige des déracinés.
Les racines profondes de ce pays, c'est Vous, parait-il,
Et quand on vous transbahute d'un « désordre de la rue », comme vous dites, à un « ordre nouveau », comme ils disent, vous vous faites greffer au retour et on vous salue.
Depuis deux cents ans, vous prenez des billets pour les révolutions.
Vous seriez même tentés d'y apporter votre petit panier,
Pour n'en pas perdre une miette, n'est-ce-pas ?
Et les « vauriens » qui vous amusent, ces « vauriens » qui vous dérangent aussi, on les enveloppe dans un fait divers pendant que vous enveloppez les « vôtres » dans un drapeau.
Vous vous croyez toujours, vous autres, dans un haras !
La race ça vous tient debout dans ce monde que vous avez assis.
Vous avez le style du pouvoir
Vous en arrivez même à vous parler à vous-mêmes
Comme si vous parliez à vos subordonnés,
De peur de quitter votre stature, vos boursouflures, de peur qu'on vous montre du doigt, dans les corridors de l'ennui, et qu'on se dise : « Tiens, il baisse, il va finir par se plier, par ramper »
Soyez tranquilles ! Pour la reptation, vous êtes imbattables ; seulement, vous ne vous la concédez que dans la métaphore... Vous voulez bien vous allonger mais avec de l'allure,
Cette « allure » que vous portez, monsieur, à votre boutonnière,
Et quand on sait ce qu'a pu vous coûter de silences aigres,
De renvois mal aiguillés
De demi-sourires séchés comme des larmes,
Ce ruban malheureux et rouge comme la honte dont vous ne vous êtes jamais décidé à empourprer votre visage,
Je me demande pourquoi la Nature met
Tant d'entêtement,
Tant d'adresse
Et tant d'indifférence biologique
A faire que vos fils ressemblent à ce point à leurs pères,
Depuis les jupes de vos femmes matrimoniaires
Jusqu'aux salonnardes équivoques où vous les dressez à boire,
Dans votre grand monde,
A la coupe des bien-pensants.
Moi, je suis un bâtard.
Nous sommes tous des bâtards.
Ce qui nous sépare, aujourd'hui, c'est que votre bâtardise à vous est sanctionnée par le Code civil Sur lequel, avec votre permission, je me plais à cracher, avant de prendre congé.
Soyez tranquilles, vous ne risquez rien
Il n'y a plus rien
Et ce rien, on vous le laisse !
Foutez-vous-en jusque-là, si vous pouvez,
Nous, on peut pas.
Un jour, dans dix mille ans,
Quand vous ne serez plus là,
Nous aurons TOUT
Rien de vous
Tout de Nous
Nous aurons eu le temps d'inventer la Vie, la Beauté, la Jeunesse,
Les larmes qui brilleront comme des émeraudes dans les yeux des filles,
Le sourire des bêtes enfin détraquées,
La priorité à Gauche, permettez !
Nous ne mourrons plus de rien
Nous vivrons de tout
Et les microbes de la connerie que vous n'aurez pas manqué de nous léguer, montant de vos fumures
De vos livres engrangés dans vos silothèques
De vos documents publics
De vos règlements d'administration pénitentiaire
De vos décrets
De vos prières, même
Tous ces microbes juridico-pantoufles
Soyez tranquilles,
Nous avons déjà des machines pour les révoquer
NOUS AURONS TOUT
Dans dix mille ans.


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