jeudi 17 mars 2016

LA BELLE CHANSON : Dreyfus - Yves Duteil

LA BELLE CHANSON

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                        Dreyfus - Yves Duteil



Dreyfus

Je suis un peu ton fils 
Et je retrouve en moi 
Ta foi dans la justice 
Et ta force au combat. 

Dans ton honneur déchu, 
Malgré ta peine immense, 
Tu n'as jamais perdu 
Ton amour pour la France. 

Et s'il ne reste qu'un murmure 
Pour te défendre, 
Par-delà tous les murs, 
Il faut l'entendre. 

Je suis un peu ce frère 
Qui remue les montagnes 
Lorsque tu désespères 
Dans ton île, en Guyane. 

Et je souffre avec toi 
Des fers que l'on t'a mis 
Pour écraser ton âme 
Et pour briser ta vie. 

Mais pourquoi fallait-il 
Pour t'envoyer au Diable 
Te prendre dans les fils 
De ce piège effroyable ? 

J'ai vu souvent mon père 
S'assombrir tout à coup 
Quand j'évoquais "L'Affaire", 
Comme on disait chez nous 

Et j'ai vécu longtemps 
Sans rompre ce silence, 
Comme un secret pesant, 
Parfois, sur la conscience. 

J'imaginais comment 
Des hommes étaient capables 
D'arrêter l'innocent 
Pour en faire un coupable. 

Il était Alsacien, 
Français, juif, capitaine, 
Vivant parmi les siens 
À Paris, dix-septième 

Quand, un matin d'octobre, 
On l'accuse, on l'emmène 
Vers douze ans de méprise 
Et d'opprobe et de haine. 


Traité plus bas qu'un chien, 
Laissé dans l'ignorance 
De tous ceux qui, sans fin, 
Luttaient pour sa défense, 

Courageux, opiniâtres, 
Jouant parfois leur vie 
Sur un coup de théâtre 
En s'exposant pour lui. 

Je suis un peu son fils 
Et c'est moi que l'on traîne 
Au Palais d'injustice 
En l'écoutant à peine 

Et quand Paris s'enflamme 
Alors qu'on l'injurie, 
Le coupable pavane 
À quatre pas d'ici... 

Lucie... 
Mon corps est à genoux 
Mais mon âme est debout. 
Un jour je reviendrai 
Vers la terre de France 
Crier mon innocence 
Et retrouver la paix. 

Ici... 
Je n'ai plus rien de toi 
Et j'ai peur, quelquefois 
Que ma raison s'égare. 
Si je perds la mémoire, 
Si j'oublie qui je suis, 
Qui pourra dire alors 
À ceux qui m'aiment encore 
Que je n'ai pas trahi, 
Que j'ai toujours porté 
L'amour de mon pays 
Bien plus haut que ma vie, 
Bien plus haut que la vie ? 

C'était il y a cent ans. 
Dreyfus est mort depuis 
Mais je porte en chantant 
Tout l'espoir de sa vie 

Pour la mémoire des jours, 
Puisqu'en son paradis 
On sait depuis toujours 
Qu'il n'a jamais trahi. 

Il n'a jamais trahi 
Son cœur, ni son pays. 


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